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une confiance extrême dans le mérite de cette arme, et l’on soupçonne que cette confiance compte pour quelque chose dans les motifs qui ont poussé M. de Bismark avec tant de précipitation dans les voies de la guerre. Attribuant les succès que la France a remportés dans la campagne d’Italie à la supériorité de son canon rayé sur le canon lisse des Autrichiens, il n’aurait pas douté que le fusil à aiguille ne dût produire des résultats analogues en 1866, et il se serait hâté d’arriver à la guerre pour ne pas laisser à ses adversaires le temps de se procurer des armes du même genre. La Prusse est en effet la seule puissance dans le monde dont l’armée soit pourvue de fusils qui se chargent par la culasse ; mais, comme nous l’avons dit, il n’est pas de pays où il ne se soit produit des projets pour la construction d’armes de cette nature, pas de pays où ces projets n’aient été expérimentés et étudiés.

Il serait bien long et sans doute inutile d’exposer au lecteur tous les projets qui ont occupé l’étranger ; d’ailleurs, voulussions-nous l’entreprendre, nous ne pourrions le faire que d’une manière inexacte et incomplète. Les gouvernemens ne se soucient pas d’appeler la lumière sur les travaux qu’ils poursuivent dans cet ordre de faits, et c’est seulement lorsqu’ils ont obtenu quelques résultats éclatans que l’on parvient à pénétrer le mystère dont ils cherchent toujours à s’entourer. L’Angleterre, plus avancée que les autres puissances, sauf la Prusse, distribue en ce moment à toute sa cavalerie des armes qui se chargent par la culasse, et il vient de se produire aux États-Unis un nouveau fusil dont M. Cochrane est l’auteur et dont on dit des merveilles. Ce serait une arme qui permettrait de tirer jusqu’à quatorze coups par minute, mais elle n’a pas encore été décrite, et nous n’en saurions parler.

En France comme ailleurs, on s’occupe aussi depuis longtemps de construire pour l’armée des armes portatives à chargement par la culasse. La liste est longue de tous les projets qui ont été soumis à l’administration militaire ; nous mentionnerons seulement le fusil des cent-gardes, dû au colonel Treuille de Beaulieu et adopté pour l’armement de cette troupe dès 1853, le fusil dit à inflammation centrale de M. Gastine-Renette, le fusil de MM. Manceau et Vieillard, le fusil de M. Chassepot, contrôleur d’armes au dépôt central de l’artillerie, que l’on étudie et que l’on éprouve depuis bientôt dix ans. De tous les projets soumis au jugement des autorités militaires, c’est celui qui paraît avoir trouvé le plus de faveur ; il est même sorti des limbes où flottent toutes les inventions à leur naissance, car un des bataillons de la garde impériale présens au camp de Châlons doit en être pourvu. Les études préliminaires sont terminées, les objections présentées par les diverses commissions