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LA GUERRE EN 1866.

nouveau modèle, que l’on tirait à cette distance retombaient au pied de la cible sans avoir subi presque aucune déformation, preuve sans réplique du peu de force vive qu’elles possédaient encore au point de chute, tandis que les fusils des autres armées de l’Europe font sentir leurs coups à 1,000 et même jusqu’à 1,200 mètres. De même, le but en blanc de l’arme étant fixé à 250 pas, soit 188 mètres, il en résulte qu’au-delà de cette distance la trajectoire décrite par la balle est très courbe, en fait la plus courbe de toutes les trajectoires connues, ce qui revient à dire que le fusil prussien est aussi de tous celui qui bat le moindre espace de ses feux.

D’où viennent ces imperfections ? Presque exclusivement des sacrifices que l’on a faits et que l’on a été obligé de faire pour obtenir la plus grande rapidité de tir qui serait possible. Le fusil prussien n’est que très imparfaitement fermé derrière la cartouche, et tous les gaz que celle-ci produit ne sont pas uniquement employés à chasser la balle. Ils se dépensent encore autrement et au préjudice de la puissance de l’arme. Non-seulement le rapprochement du bord postérieur du canon et de la tête du tube-culasse ne peut pas être si hermétiquement clos, qu’il ne s’échappe par là des flammes et de la fumée en quantité quelquefois assez considérable pour gêner très notablement le tireur, surtout quand il reçoit le vent dans la figure ; mais encore il a fallu laisser derrière la cartouche un espace vide, une chambre ardente, un réservoir de gaz. Ceux-ci, partant du réservoir et cherchant à s’élancer au dehors par le canon, chassent devant eux tous les débris de papier enflammé qui sans cette combinaison auraient pu rester dans l’intérieur et par suite nécessiter le nettoyage du canon après le tir de chaque coup, ce qui eût singulièrement ralenti cette rapidité des feux qui est la qualité principale du fusil à aiguille. Une autre conséquence du mode de chargement dans le fusil prussien, c’est qu’il a besoin d’être démonté et lavé très fréquemment. La crasse de la poudre se dépose en quantité notable entre les tubes dont le libre jeu est indispensable pour la manœuvre de l’arme, ce qui revient à dire que là encore se trouvent des espaces vides par lesquels s’échappe, au préjudice de la puissance de la balle, une certaine quantité de gaz dont les résidus tendent à salir et à engorger le mécanisme. En temps de pluie, l’encrassement qui se produit par suite des conditions du système détermine une boue, et en temps sec, surtout par la chaleur, un enrochement qu’il faut faire disparaître par le lavage, sinon l’arme serait paralysée. Combien de coups en moyenne peut-elle tirer sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à cette opération ? Nous avons entendu dire une cinquantaine.

Quoi qu’il en soit, les Prussiens, gouvernement et armée, ont