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elle accusait sur le papier un effectif de 500,000 hommes, lequel présentait aussi beaucoup de non-valeurs, assez pour qu’il ne faille peut-être pas croire qu’il ait pu fournir plus de 350,000 hommes à l’armée active.

C’était compter très largement que d’attribuer à l’alliance italo-prussienne 900,000 hommes sous les armes, et, sans forcer les chiffres, l’alliance autrichienne aurait dû entrer en campagne avec un million de soldats. Il parait cependant, à en juger par les bulletins qui ont été publiés, que les Prussiens se sont trouvés dans presque tous les engagemens en nombre supérieur. D’où cela vient-il ? comment cela peut-il s’expliquer, lorsqu’il est notoire que l’Autriche, pleine de confiance dans la force du quadrilatère, n’avait laissé à l’archiduc Albrecht qu’une armée relativement peu nombreuse, afin de pouvoir porter le gros de ses forces sur l’armée du nord ? Comment aussi expliquera-t-on l’attitude et les manœuvres des alliés de l’Autriche, qui s’y sont pris de telle façon que la campagne paraît terminée avant qu’ils aient trouvé le temps de réunir et d’organiser l’armée qui devait couvrir Francfort ? Il y a là-dessous des énigmes dont le mot ne nous est pas encore donné ; mais, quel qu’il soit, il ne saurait prouver qu’il n’a pas dépendu de l’alliance autrichienne de s’assurer l’avantage du nombre.


II.

Au point de vue stratégique, l’alliance autrichienne jouissait encore d’avantages réels sur l’alliance italo-prussienne. Il ne faut pas regarder comme un inconvénient pour la première d’avoir pu être attaquée à la fois au nord et au midi, et il ne faut pas dire qu’elle était ainsi prise entre deux feux. Les choses veulent être considérées sous un autre rapport, et l’on doit regarder au contraire que c’était un avantage pour l’Autriche d’occuper une position qui divisait les forces de ses adversaires et les tenait à des distances où ils ne pouvaient ni s’entendre, ni s’aider d’une façon assez bien liée pour mener d’accord contre elle une opération positive et bien définie. Ils étaient séparés par de trop grands espaces, ils avaient trop peu de moyens de communications suivies pour faire autre chose, s’ils étaient sages, que de s’accorder une liberté d’action réciproque à peu près entière, à peine dirigée par les vagues prévisions d’un plan de campagne général. Or on sait ce que dans l’exécution il advient presque toujours de ces plans. L’alliance autrichienne au contraire occupait une position centrale bien délimitée, qui lui permettait de réunir ses forces avec une aisance comparativement très grande, et non-seulement de parer à une brèche