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LE DERNIER AMOUR.

Félicie ne s’en aperçut pas d’abord, et quand elle s’en aperçut elle la lui retira brusquement et lui porta un soufflet qu’il para avec ses mains. Elle insista et le frappa sur la tête en le traitant d’imbécile. Il me sembla pourtant qu’elle n’y mettait pas de sévérité bien réelle et qu’un sourire mal dissimulé tempérait sa feinte colère. Quant à lui, il riait, ne paraissait ni honteux, ni repentant, ni effrayé de s’être trahi, et il cherchait à saisir la main qui le corrigeait.

Je ne sais si Félicie vit que j’étais là, mais tout à coup elle parut fâchée et ordonna au jeune homme d’aller voir au chalet si son frère dormait toujours. Il obéit, et Mlle Morgeron m’appela auprès d’elle en m’engageant à me reposer. Elle me remercia vivement d’avoir rendu l’énergie et l’espérance à son frère, et me demanda si l’entreprise me paraissait réellement bonne.

— S’il en était autrement, lui dis-je, je ne la lui aurais pas suggérée.

— Vous auriez tort, reprit-elle, il faut le contenter et l’amuser à tout prix !

Je ne voulais pas recommencer la discussion de la veille. Je lui dis, avec fermeté cette fois, que je ne m’emploierais jamais sciemment à la dépouiller de sa fortune, et, sans le vouloir, je lui fis peut-être sentir que je la trouvais trop jeune pour renoncer à toute pensée d’avenir personnel.

Elle devina ma préoccupation, ou elle interpréta, d’après la sienne propre, les paroles que je disais. — Vous croyez que je peux songer à me marier ? dit-elle en me regardant fixement.

— Je ne crois rien ; mais vous avez trente ans, vous êtes jolie, vous pouvez et vous devez inspirer l’amour.

— On peut toujours inspirer l’amour, reprit-elle, mais l’estime ?

— Si vous n’avez à vous reprocher que le malheur dont vous m’avez parlé hier, vous l’avez expié rudement, ce me semble, et on serait lâche de vous le reprocher. Le dévouement que vous avez pour votre frère doit vous relever aux yeux d’un homme juste, et quant h moi, si vous êtes telle que vous vous êtes montrée hier, si votre vie est un renoncement absolu, un travail incessant pour acquitter la dette de la reconnaissance, je trouve que vous avez droit au respect.

Si!… Vous voyez bien que vous dites si ! C’est-à-dire que si j’avais une pensée pour moi, si je nourrissais la moindre espérance de bonheur pour mon compte, je ne mériterais plus le respect que vous m’accordez !

— Toute épreuve a son terme. Votre faute,… — je me sers de ce mot, ne pouvant apprécier un fait que l’on qualifie ainsi en géné-