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REVUE. — CHRONIQUE.

La situation devenait doublement et triplement périlleuse, parce que les insurgés étaient armés d’une façon formidable, parce que le mouvement pouvait se propager dans Madrid, parce qu’on ne savait encore si la défection ne se mettrait pas dans le reste de la garnison. Un instant d’hésitation eût tout perdu ; c’est le général O’Donnell qui a tout sauvé véritablement par l’énergie foudroyante avec laquelle il s’est emparé des troupes et les a poussées, sans les laisser respirer, à l’assaut de la caserne occupée par les insurgés. Il faut tout dire aussi : dès le premier moment, tous les généraux de toutes les nuances d’opinion sont accourus. Le général Narvaez est allé se faire blesser dans la rue ; le général Serrano a passé la journée sous les balles ; le général Concha, marquis del Duero, a marché au feu un des premiers. La lutte a été courte, mais elle a été terrible ; elle a fait autant de victimes qu’une vraie bataille, et parmi les victimes on compte beaucoup d’officiers, même des généraux. O’Donnell a montré que la révolution trouverait en lui un rude adversaire capable de se mesurer avec elle. Un jour lui a suffi pour pacifier matériellement Madrid. Il ne faut point cependant s’y tromper, cette situation dans laquelle se trouve jetée l’Espagne n’a rien de normal : c’est une lutte ouverte, et la preuve c’est que le gouvernement vient de demander aux chambres la suspension des garanties constitutionnelles, tandis que commençaient les exécutions des insurgés pris les armes à la main. Or combien de temps peut se prolonger cet état de lutte flagrante ? Le jour où il serait avéré que la sécurité de l’Espagne n’est plus qu’au bout de l’épée d’O’Donnell, combien d’étapes la révolution aurait-elle encore à faire avant de toucher le but ?

Charles de Mazade.


CONFÉDÉRATION GERMANIQUE.


La question est aujourd’hui de savoir si par son vote du 14 juin l’Allemagne confédérée s’est donné volontairement la mort, comme le prétend M. de Bismark, ou si au contraire ce ne serait pas sous l’influence de ce vote que l’Allemagne est destinée à revivre. D’abord point de confusion dans les termes. Quand la Prusse dit confédération, elle entend par là ce qui, en Allemagne, est en dehors d’elle et la gêne, et quand elle affirme que ladite confédération est morte, elle cherche à faire comprendre qu’un certain tout vient de s’écrouler dont les pièces et les morceaux lui reviennent, à elle Prusse. Or c’est là que la discussion commence. De ce que le grand corps siégeant à Francfort est désorganisé, s’ensuit-il que l’Allemagne confédérée n’existe plus ? De ce que cette forme de l’union s’est dissoute, faut-il conclure que le vrai corps germanique n’ait plus d’unité ? La Prusse dit oui. Reste à savoir si les événemens s’empresseront de ratifier sa parole, question véritablement dominante de la situation actuelle et bien autrement compliquée que la question italienne par exemple, dont la solution se laisse aisément prévoir. Une victoire décisive de l’Autriche sur la Prusse, et la Vénétie est aux Italiens, et l’Autriche, relevée militairement, encouragée à ses nouvelles destinées par un retour manifeste de la fortune sous ses drapeaux, a le droit désormais d’étonner le monde par sa générosité. Vis-à-vis de la Prusse, l’attitude ne saurait être la même. D’une Prusse trop vaincue sortirait nécessairement une Autriche