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zarres, y existent encore, pendant qu’il ne reste de quelques autres que des débris plus ou moins bien conservés. À Madagascar, on trouve encore chaque jour des œufs d’un oiseau gigantesque dont la disparition ne saurait remonter à une époque très reculée. Cet oiseau n’est autre que l’oiseau Roc des Mille et Une Nuits. Selon la fable arabe, ses ailes déployées mesuraient seize pas, et il pouvait enlever de terre un éléphant. En rabattant un peu de ces exagérations poétiques, tout ce qui a trait à cet oiseau s’applique très bien à l’epyornis de Madagascar. Le voyageur Marco-Polo, dont la véracité n’a pas été autant appréciée de ses contemporains qu’elle l’est aujourd’hui, rapporte déjà que l’oiseau Roc habite Madagascar. Le Grand-Mogol des Tartares, intrigué par tout ce qu’il avait entendu dire de cet oiseau merveilleux, envoya un jour dans cette île des messagers chargés de prendre des informations exactes ; ils revinrent avec une plume longue de quatre-vingt-dix empans et ayant deux palmes de circonférence, qui parut procurer au sultan une grande satisfaction.

Ce récit de Marco-Polo fut traité de conte bleu jusqu’au jour où des indigènes malgaches qui venaient à l’île de France pour acheter du rhum y apportèrent des œufs gigantesques dont ils se servaient en guise de calebasses. Ils disaient qu’on en trouvait de temps à autre dans les joncs, et que l’oiseau lui-même avait été vu plusieurs fois. Cette nouvelle rencontra en Europe beaucoup d’incrédulité ; mais l’on dut se rendre à l’évidence lorsqu’en 1851 le Muséum d’histoire naturelle de Paris reçut un œuf parfaitement conservé, d’environ dix litres et demi de capacité, qui venait d’être trouvé à Madagascar dans un éboulement. Aujourd’hui le Muséum possède déjà cinq de ces œufs, dont trois ont été acquis en 1852 au prix de 5,500 francs, avec quelques fragmens d’os de l’oiseau et deux autres donnés récemment par l’Académie des Sciences. L’oiseau a reçu le nom d’epyornis maximus. Un naturaliste de Bologne, M. Joseph Bianconi, le rapporte au type du condor et du vautour d’après l’étude qu’il a faite du tarso-métatarsien ou os de la patte de l’epyornis. Ce serait un vautour quatre fois plus grand que le condor. Les Malgaches assurent d’ailleurs qu’il existe encore dans les forêts vierges de leur île un oiseau colossal qui cherche à se dérober aux regards des hommes ; tout espoir de le voir vivant n’est donc pas perdu.

Mais c’est surtout dans les îles de la Nouvelle-Zélande que les ornithologistes ont trouvé un champ fécond en découvertes. Dans ce nouveau palais de Pallagonie, les extrêmes se touchaient : des formes naines complètement inconnues se mêlaient à des types monstrueux, étonnans, démesurés. Le mieux connu de ces oiseaux néo-zélandais est un oiseau sans ailes ni queue, à peine plus grand qu’une poule, le kiwi ou aptéryx australis de Shaw : il vit encore en troupes nombreuses dans les forêts les plus inaccessibles, et le jardin zoologique de Londres en a reçu en 1862 un exemplaire vivant ; mais les plus curieux à étudier sont les diverses espèces de