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rejetons vigoureux, une fois que l’édifice féodal ébranlé eut permis au sol de revenir à son état primitif. Quoique les Romains n’eussent opéré que lentement et avec une singulière prudence l’œuvre de l’unification, qu’ils aient plutôt fait rechercher leur système de gouvernement qu’ils ne l’aient imposé, ils réussirent à façonner a leur propre image la plupart des contrées de l’Europe occidentale qui avaient passé sous leur autorité. Plus on pénètre dans l’étude de l’administration du peuple-roi, plus on constate l’intelligence et la prévoyance de ses mesures. La connaissance plus approfondie que nous possédons maintenant de l’épigraphie latine nous a permis de reconstruire la hiérarchie et les rouages de ce vaste système que dominaient les empereurs. Ces décrets inscrits sur la pierre, ces expressions publiques d’hommage et de reconnaissance, ces épitaphes où sont rappelés les titres et les services du mort, ont jeté sur l’histoire de l’empire romain un jour nouveau et comblé bien des lacunes laissées par les auteurs. On a pu dresser année par année le tableau presque complet de ceux qui avaient occupé les principales magistratures, non-seulement dans Rome, mais dans les provinces, se rendre un compte exact des conditions imposées pour l’avancement dans l’armée et dans l’ordre civil. Les renseignemens que l’épigraphie latine a ajoutés aux données que les livres nous fournissaient sur les voies romaines, ne sont qu’un faible échantillon de ceux dont nous lui sommes redevables pour d’autres parties de l’archéologie. C’est la gloire du savant italien Borghesi d’avoir, par la manière dont il l’a comprise et poursuivie, donné tant d’importance à l’étude des inscriptions latines. Cet illustre antiquaire, du fond de sa petite ville de Saint-Marin, a renouvelé une science que cultivent avec succès des savans éminens, formés par ses enseignemens : M. Th. Mommsen, le célèbre auteur de l’Histoire romaine, M. Henzen, aujourd’hui secrétaire de l’institut archéologique de Rome, et qui a complété et corrigé le recueil si précieux d’Orelli, M. Léon Renier, qui occupe au Collège de France la chaire d’épigraphie latine. Ces textes nouveaux, que des fouilles nombreuses grossissent incessamment, sont ceux surtout qu’il faut interroger pour avoir une idée de tout ce qu’ont fait les Romains. La connaissance des voies romaines y a gagné beaucoup pour sa part, non pas seulement en ce qui touche à l’histoire de l’administration et de la construction, mais aussi pour les questions qui rattachent cette étude à celle de la géographie ancienne.

C’est ainsi que, grâce aux explorations de M. Léon Renier, qui a rapporté de l’Algérie la plus riche moisson épigraphique, à celles d’un voyageur infatigable, M. Victor Guérin, qui a visité la régence de Tunis, et aux recherches si consciencieuses et si louables de la