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LES VOIES ROMAINES EN GAULE.

son royaume. Il fit établir sur les routes des stations, ou gites, dans lesquels on pût trouver des chevaux, et il parvint ainsi à établir une correspondance régulière avec ses diverses provinces. Ces postes étaient sans doute bien imparfaites, et c’est seulement sous Henri IV que des relais à distances égales furent établis sur toutes les routes importantes. Les deux premières routes qui jouirent de cet avantage furent celles de Paris à la frontière d’Espagne et à Calais, pour lesquelles la mesure fut prise dès 1597. La création de Louis XI n’en constituait pas moins un progrès considérable sur le régime antérieur ; elle eut pour conséquence de faire sentir la nécessité d’une meilleure administration des chemins, d’un entretien plus uniforme et plus suivi qui ont marqué le XVIIe siècle.


III.

La France n’eut donc qu’à revenir au système romain pour entrer dans la voie du progrès. Ce qui avait lieu en matière de ponts et chaussées se produisait aussi pour la législation, la philosophie, les lettres et les arts. C’est un retour à l’antiquité qui éveilla en Europe cette préoccupation du mieux qui nous a valu tant de merveilles et a si fort agrandi notre horizon. Le moyen âge, en fait de viabilité, comme sur bien d’autres points, rétrograda visiblement. Il vécut des débris de l’héritage que Rome lui avait légué, il n’eut point l’intelligence de l’accroître et de le féconder. Loin de là, il dénatura ses plus belles œuvres et en dérangea la magnifique ordonnance. Cette grande unité romaine avait été le plus puissant élément de civilisation que l’antiquité eût possédé. Le système féodal, introduit par les barbares et étendu par la force des choses sur toute l’Europe, a morcelé et disjoint là où la domination du peupleroi avait rapproché et réuni. Aussi les nations qui ont conservé le plus d’unité, celles chez qui les tendances à constituer un seul corps politique sont les plus énergiques et les plus vivaces, sont-elles celles qui ont subi davantage l’influence romaine. Les peuples germains, qui ont le plus échappé à l’action absorbante de la ville éternelle, n’ont pu encore complètement secouer les restes de l’organisation féodale. Le fractionnement en petits états séparés a persisté pendant tant de siècles, qu’il a élevé entre des groupes d’hommes parlant la même langue et ayant une foule d’intérêts communs, des barrières quasi infranchissables. Des rivalités, des antipathies sont nées de cet état de division. En Allemagne et en Angleterre, l’administration romaine n’avait pas poussé comme en Italie, en Gaule et en Espagne de profondes racines d’où pussent sortir des