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LES VOIES ROMAINES EN GAULE.

ce genre. C’est sur ces routes que furent établis les services de courriers appelés dans la langue perse angares, dont Xénophon attribue la création à Cyrus. Au temps d’Hérodote, l’Asie-Mineure était déjà traversée par une de ces grandes voies persiques, qui allait de Suse à la mer Egée, et sur laquelle on avait élevé cent onze maisons de relais situées à environ une journée de marche les unes des autres. Les courriers se relayaient de station en station, comme les chevaux, et cette invention fut empruntée plus tard par les empereurs romains au gouvernement du grand roi. Le mot perse lui-même passa dans la langue grecque et latine ; on le retrouve jusque dans le code théodosien, qui renferme divers règlemens relatifs à ce qu’on peut regarder comme l’origine de nos postes.

Les Carthaginois firent aussi exécuter en Afrique, et vraisemblablement sur le littoral de l’Espagne, de grandes routes, afin de faciliter l’expédition des marchandises qu’ils répandaient chez les peuples soumis à leur domination. Les lourds chariots employés par les anciens pour les transports creusaient sur le sol, quand il n’était pas suffisamment compacte, de profondes ornières qui devaient rendre promptement les routes impraticables. La nécessité de voies pavées se présenta de bonne heure à l’esprit de ce peuple marchand ; voilà pourquoi on leur en a attribué l’invention. Les travaux que les Carthaginois firent exécuter en vue d’établir de grandes lignes de communication n’ont pas laissé de vestiges ; ces routes anciennes ont été remplacées par de nouvelles dont le tracé toutefois reproduit encore en bien des directions la voie primitive. Sur les côtes d’Espagne, de la Gaule narbonnaise et de la Sicile, il existe quelques chemins qui paraissent dater du temps des Carthaginois.

Au reste, ce n’était qu’en l’absence de voies fluviales que les peuples de la primitive antiquité perçaient des routes et se livraient à des travaux destinés à rendre les transports praticables. Les eaux étaient la voie préférée ; le commerce se faisait surtout par mer, et les petits bâtimens des Phéniciens, des Carthaginois, des Grecs, des Ibères et des Gaulois remontaient facilement le cours des fleuves qui se jettent dans la Méditerranée. Quand on étudie l’histoire des colonies des deux premiers de ces peuples, on voit que c’est presque constamment en suivant le bord des fleuves qu’ils ont pénétré dans les continens. Jusqu’au commencement de notre ère, les pays qui se trouvent situés le plus loin des côtes, le plus à l’intérieur de l’Europe, de l’Afrique ou de l’Asie, étaient précisément les plus barbares. Malgré ses dangers et l’imperfection de la navigation, l’Océan était alors plus sûr et plus accessible que les forêts dont