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présent, il importe de relever un passage capital omis par le savant évêque. « Au XIIe chapitre, vers la fin, on lit ces mots : …Jusqu’à cet ange qui eut le signe du Dieu vivant[1] et apparut vers l’an de l’incarnation 1200, ange que frère Gérard reconnaît n’être autre que saint François[2]. » Ce Gérard est sûrement Gérard de Dorgo San-Donnino, à qui Salimbene attribue le rôle principal dans l’affaire de l’Évangile éternel.

III. — Après cette énumération d’erreurs vient, dans le manuscrit de Sorbonne 1726 (fol. 91 v.) et dans le manuscrit de la Mazarine (fol, 86 v.), un procès-verbal étendu d’une des séances de la commission d’Anagni. Cette pièce, ne se trouvant pas dans le n° 1706, a échappé à d’Argentré ; elle est tout à fait inédite.


« L’an du seigneur 1255, le 8 des ides de juillet, à Anagni, devant nous, Eudes, évêque de Tusculum[3], et frère Hugues, cardinal prêtre[4], commissaires nommés par le pape, ainsi que le révérend père Etienne[5], évêque de Préneste, qui s’est fait excuser par son chapelain, et nous a remis ses pouvoirs pour cette affaire, a comparu maître Florent, évêque d’Acre[6], qui nous a soumis quelques passages tirés des livres de Joachim qui lui paraissaient suspects Et pour l’examen de ces passages, nous nous adjoignîmes deux autres personnes, savoir frère Bonvalet, évêque de…[7], et frère Pierre, lecteur des frères prêcheurs d’Anagni, dont l’un tenait les livres originaux de Joachim de Flore et vérifiait devant nous si les citations que ledit évêque d’Acre lisait ou faisait lire par notre greffier se trouvaient en effet dans les susdits livres. Il commença ainsi :

« D’abord il faut noter le principe fondamental de la doctrine de Joachim : il consiste à distinguer trois états dans l’histoire de ce monde ; c’est ce qu’il fait au IVe chapitre du IIe livre qui commence par ces mots : Intelligentia vero illa, disant : Aliud tempus fuit in quo vivebant homines secundum carnem, etc[8]. »

  1. Les stigmates.
  2. Item in XII. capitulo versus finem, ponit hæc verba : « usque ad illum angelum qui habuit signum Del vivi, qui apparuit circa m. ce. incarnationis dominicæ, quem angelum frater Gerardus vocat et confitetur sanctum Franciscum. »
  3. Eudes de Chateauroux, qui joue un rôle important dans la vie de saint Louis. Voyez Fleury, Hist. Eccl., livre LXXXII, n° 33 ; LXXXIII, n° 45 ; LXXXV, n° 7.
  4. C’est le célèbre Hugues de Saint-Cher.
  5. Hongrois, archevêque de Strigonie. Voyez Fleury, Hist. eccl., LXXXV, n° 7.
  6. Florent ou Florentin, évêque d’Acre, devint ensuite archevêque d’Arles. Nous le trouverons vers 1260 condamnant de nouveau les joachimites au concile d’Arles. Cf. Gallia Christiana, t. Ier, , p. 569.
  7. Ce nom d’évêché est douteux. Serait-ce l’ecclesia panidensis de l’Oriens christianus, III, , p. 966-967 ?
  8. « Anno Domini M°.CC°.LV°, VIII, idus Julii, Anaguiæ, coram nobis, Odone episcope Tusculano, et fratre Hugone presbytero cardinali, auditoribus et inspectoribus datis a papa, una cum reverendo patre Stephano Prænestino episcopo, se excusante per proprium capellanum suum, et nobis quantum ad hoc vices suas committente, comparuit magister Florentius, epi copus Acconensis, proponens quædam verba de libris Ioachim extracta, suspecta sibi, ut dicebas, nec publice dogmatizanda aut prædicanda nec in scriptis redigenda, ut fieret inde doctrina sive liber, prout sibi videbatus. Et ad hæc audienda et inspicienda vocavimus una nobiscum duos alios, scilicet fratrem Bonevaletum, episcopum Pavendensem, et fratrem Petrum, lectorem fratrum prædicatorum Anagniæ, quorum unus tenebat originalia Ioachim de Florensi monasterio, et inspiciebant coram nôbis utrum hæc essent in prædictis libris quæ prædictus episcopus Acconensis legebat et legi faciebat per tabellionum nostrum, et incipiebat sic :
    « Primo notandum est fundamentum doctrinæ Ioachim. Et proposuit tres status totius seculi, IIII. capitulo secundi libri, quod incipit : Inlelligentia vero illa, etc… dicens : « Aliud tempus fuit in quo vivebant homines secundum carnem, hoc est usque ad carnem, cui initiatio facta est in Adam
    … » Ce passage se lit en effet dans la Concorde (p. 8, édit. de Venise, 1519).