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France, si l’on voulait retenir celle-ci parmi les contractans, pourquoi ne réunirait-on pas sur un seul et même document les trois signatures? Il y aurait bon sens et bonne grâce à l’Autriche de ne point s’entêter à ces vétilles et d’entrer rondement en affaires avec l’Italie. Pour ce qui concerne leurs affaires intérieures, nous ne doutons point que les Italiens n’y reviennent activement après la paix. Ils ont maugréé d’abord à l’occasion de l’armistice; cependant ils ont fini par y consentir avec une modération sensée. On avait craint que Garibaldi et les volontaires ne fissent des difficultés pour évacuer les parties du Tyrol qu’ils avaient occupées; Garibaldi a donné une grande preuve d’intelligence et de loyauté en invitant les volontaires à exécuter ponctuellement les ordres du gouvernement. Une fois la paix conclue, les Italiens se replieront enfin sur eux-mêmes, et se mettront sérieusement à l’œuvre de l’administration intérieure et de l’économie financière. Tout ce qui reste à faire maintenant pour assurer l’existence de l’Italie dépend des Italiens eux-mêmes. Nous avons confiance qu’ils ne décourageront point ceux qui n’ont point douté de leur avenir, et qu’ils auront à cœur de prouver au monde que ceux qui les ont moralement et matériellement aidés ont travaillé à une œuvre grande et féconde.

On n’ose guère parler de l’Espagne au milieu de la crise douloureuse que traverse ce pays, si singulièrement malheureux. On ne sait plus quels encouragemens donner aux administrations qui se succèdent, et qu’aucune disgrâce ne parvient à rebuter. On craindrait, si l’on se permettait de censurer les ministres, de voir tomber ces représentations désintéressées au milieu de quelque sédition violente suivie d’une répression féroce. L’Espagne a reculé jusqu’au dernier degré où un pays puisse tomber en fait de gouvernement intérieur. Sa constitution est suspendue, et, pour résister aux élémens de dissolution qui la consument, on n’emploie plus que l’extrême concentration de la force militaire. Quelques uns prédisent une explosion prochaine; d’autres, plus rassurans, prétendent que la situation matérielle s’améliore, et qu’on ne doit plus désespérer du rétablissement de l’ordre. Le mal qui depuis quelque temps envenime toutes les plaies de l’Espagne, c’est la misère causée en partie par des accidens matériels et aggravée par le mauvais gouvernement. On dit que l’Espagne va recevoir cette année un soulagement positif par l’abondance des récoltes, qui répandra quelque bien-être à l’intérieur et donnera lieu à des exportations profitables. On annonce que les impôts exigés par anticipation sont payés avec assez d’ensemble, et que le trésor ne tardera point à se trouver plus à l’aise. Si le général Narvaez et ses collaborateurs tirent l’Espagne de la pénible situation où elle se tord depuis deux ans, ils auront été les médecins heureux d’un cas désespéré, et auront des titres à la reconnaissance de leur pays.


E. FORCADE.