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Borghesi l’a placée. Elle aspire de plus en plus à sortir des conjectures et des témérités. Elle ne veut plus devoir ses conquêtes à d’heureux hasards. Pour les rendre à la fois plus nombreuses et plus assurées, elle est à la recherche de règles et de méthodes fixes. C’est ainsi que M. Le Blant, qui ne veut rien laisser de douteux dans les inscriptions qu’il étudie, a cherché d’abord les moyens de découvrir l’âge de celles qui ne sont pas datées. L’entreprise était difficile ; il croit pourtant y avoir réussi. Ce qui le confirme dans cette opinion, c’est que son savant ami, M. de Bossi, travaillait en même temps que lui et sur des documens différens à résoudre le même problème, et que, sans s’être entendus d’avance, ils sont arrivés aux mêmes résultats. Sa méthode est simple : les inscriptions datées font connaître les formules usitées à chaque époque, et ces formules, nettement distinguées, servent à déterminer l’âge de celles qui n’ont pas de date. On sait maintenant à quelle époque il faut rapporter les tombes qui portent le monogramme du Christ, l’ancre, le poisson, la croix ; celles où le nom du mort est précédé de ces exclamations : « adieu, have, vale, vivez en Dieu ; » celles qui commencent par ces mots devenus depuis si ordinaires : hic requiescit ; celles où l’on voit mentionné le jour des funérailles, le nom dès parens ou des amis qui ont élevé le monument, etc. C’est ainsi que, grâce aux travaux de MM. de Rossi et Le Blant, une base solide est trouvée à la classification des inscriptions chrétiennes. Les découvertes qu’on fait tous les jours aux catacombes rendront la méthode plus précise et plus sûre dans le détail, mais les grandes lignes existent. Dès aujourd’hui, la plupart des monumens épigraphiques chrétiens peuvent être sans témérité rapportés à des dates certaines. Ce sont autant de documens indubitables, contemporains des faits qu’ils racontent, que la science livre à l’histoire obscure et controversée des premiers temps du christianisme. Sur les faits les plus graves, on n’est plus forcé de s’en tenir entièrement au récit des historiens, et c’est un grand bonheur, car dans les questions religieuses les historiens ne sont jamais que des apologistes ou des détracteurs.

N’espérons pas que les inscriptions recueillies par M. Le Blant nous offriront l’intérêt de celles des catacombes ; ce serait trop leur demander. Elles n’en sont pas moins très utiles à ceux qui veulent connaître l’histoire de l’église. Le premier service qu’elles rendent est de nous aider à savoir en quel temps le christianisme a pénétré dans la Gaule, par quel chemin il y est entré et les pays où il s’est d’abord établi. Cette question n’est pas aisée à résoudre. Il est toujours très difficile de remonter aussi haut dans l’histoire d’une religion. Ceux qui l’apportent dans des lieux où règnent d’autres