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prirent les choses aux derniers jours de la vie de Jésus. C’est à la vue de l’effet puissant produit sur l’esprit des Juifs de Jérusalem par ce rappel à la vie d’un homme mort depuis quatre jours que le sanhédrin se serait décidé à faire mourir Jésus. Le miracle aurait eu lieu à Béthanie, tout près de Jérusalem, peu de jours avant cette entrée triomphale de Jésus dans la capitale juive qui fut suivie à si bref délai de sa mort sur la croix, et pour ressusciter Lazare Jésus serait revenu tout exprès de la région transjordanique, où il s’était retiré pendant quelque temps. Les synoptiques font aussi venir en ce moment Jésus en Judée, mais après un long séjour au-delà du Jourdain et en Galilée ils signalent son passage près de Béthanie, racontent son entrée triomphale, que suit une série de discussions avec les autorités religieuses de Jérusalem, rattachent à ces discussions la résolution du sanhédrin de faire mourir Jésus, et cette résolution n’est arrêtée que deux jours avant la fête pascale. De la résurrection de Lazare, dont le nom n’apparaît pas une fois dans les Évangiles synoptiques (si l’on excepte une parabole où il désigne un type, non une personne), de la sensation qu’elle produit dans Jérusalem, des graves et meurtrières conséquences qu’elle aurait provoquées immédiatement, pas un mot. Aucun moyen non plus de découvrir dans le récit des synoptiques un seul endroit où l’on pourrait intercaler ce miracle sans en bouleverser l’économie générale. Sans doute, s’il ne s’agissait que d’un incident sans importance dans l’histoire évangélique, on pourrait admettre une omission involontaire ou préméditée ; mais cette explication est ici absolument hors de mise. Le silence sur un fait pareil équivaut à l’ignorance de ce fait, et, comme nous tenons à rester sérieux, nous ne discuterons pas l’opinion de certains apologistes qui ont voulu que les synoptiques n’en aient pas fait mention de peur d’attirer sur Lazare les dangereuses rancunes des meneurs du sanhédrin.

Des réflexions analogues nous sont suggérées par une autre divergence. On sait que, d’après les synoptiques, Jésus, mettant à profit ses dernières heures de popularité et en accord manifeste avec le sentiment général que soulevait un abus trop longtemps toléré par le haut clergé, procéda à la purification du temple, dont, lors des fêtes pascales, une tourbe de marchands et d’agioteurs remplissait les parvis sacrés. C’est là un de ces actes qui évidemment ne se répètent pas : or le quatrième Évangile raconte aussi l’expulsion des vendeurs du temple, mais il place ce grave événement tout au commencement de la vie publique de Jésus, lors de son premier voyage à Jérusalem, et dans un moment où, selon cet Évangile lui-même, ses prétentions au titre de Messie ne pouvaient encore être connues que d’un très petit nombre de personnes.

Ces premières remarques nous amènent à deux autres observations