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la plus forte partie sert à défrayer les dépenses de l’établissement, et le condamné paie ainsi une partie de la dette qu’il a contractée envers l’état ; mais on réserve au profit du condamné lui-même une prime ou gratuity qui peut monter, — au maximum il est vrai, — jusqu’à 2 shellings 6 pence par semaine, sur lesquels, s’il le veut, le règlement l’autorise à prélever quelque chose pour ses dépenses immédiates. On respecte à cet égard son libre arbitre ; les liqueurs alcooliques lui sont seules interdites. Le tabac est autorisé. L’un des prisonniers cependant, qui employait à s’en procurer toute la portion disponible de son petit pécule hebdomadaire, fut mandé par le gouverneur. « A quelle cause attribuez-vous, lui demanda ce dernier, les actes coupables qui vous ont conduit ici ? — A l’abus des spiritueux, répondit l’autre. — Ne craignez-vous pas, vous laissant dominer ainsi par votre goût pour le tabac, de vous trouver bien faible contre des tentations du même ordre ? » Le convict ne répondit rien, mais parut disposé à réfléchir. Aucune défense ne lui avait été intimée : ce fut de lui-même qu’il réduisit, de semaine en semaine, ses achats de tabac. Un beau jour, ils se trouvèrent complètement supprimés.

De métamorphose en métamorphose qu’est devenu J. B., ce condamné rebelle que nous avons d’abord entrevu sous un jour si sombre ? Le temps, l’exemple, la réflexion et les enseignemens salutaires que d’abord il repoussait avec mépris l’ont transformé graduellement. Longtemps insoumis, violent, obstiné dans ses bravades, il est arrivé aux prisons intermédiaires quelques mois plus tard que la moyenne de ses codétenus. L’y voilà pourtant, et vous ne le reconnaîtriez plus. Sir W. Crofton nous le montre, après les heures du travail réglementaire, donnant encore son temps et sa peine, sans y être le moins du monde contraint, pour conserver une récolte à cet être abstrait, l’état, qui l’a successivement fait passer par tant de rudes épreuves. Ce changement inespéré, on le doit à ce que J. B., finalement convaincu, a reconnu dans les sévérités dont il est l’objet le désir de l’amender à son propre bénéfice. On lui a expliqué ces rigueurs, on lui en a fait comprendre le but, on a obtenu sa coopération dans le travail régénérateur.

Le moment est venu de le faire rentrer avant terme dans la société qui l’avait justement retranché de son sein ; mais il ne va pas être abandonné à lui-même, comme le convict anglais. Son billet de congé l’oblige expressément à faire constater son arrivée dans le district où il veut se rendre, et à comparaître une fois par mois à la constabulary station, pour le cas où il changerait de domicile, à faire connaître sa nouvelle résidence et à s’y faire enregistrer comme dans la première. Toute infraction à ces engagemens signés par lui entraînerait l’annulation de son ticket of leave.