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C’est alors que l’attention de nos publicistes fut appelée sur ce qui se passait chez un peuple voisin, destiné tantôt à nous servir de modèle, tantôt à profiter de nos exemples. Ils y trouvèrent une doctrine établie, des principes arrêtés et, ce qui est plus essentiel, éprouvés par une application sincère et loyale. Quelques idées fondamentales constituaient la base du système, et ces idées, réduites à l’état d’axiomes, peuvent se formuler ainsi. — Toute société doit se regarder comme participant, dans une mesure variable, à la responsabilité des crimes commis par un de ses membres. Le châtiment qu’elle lui inflige ne saurait donc avoir le caractère d’une vengeance. Elle ne doit méconnaître ni la possibilité de le ramener au bien, ni le devoir étroit que cette possibilité lui impose, ni l’intérêt qu’elle peut avoir à reconquérir les services que lui rendront encore, si elle sait les replacer au rang d’où ils sont tombés, ceux qu’elle avait momentanément séparés d’elle. — Ces vérités, bien étudiées par les hommes d’état anglais et américains, les avaient amenés à combiner ce qu’ils appellent la « pénalité secondaire » en vue de trois objets distincts : premièrement, ce que Bentham, dans son style un peu barbare, désigne sous le nom d’incapacitation, à savoir les moyens pris pour ôter au condamné le pouvoir, la capacité de nuire encore ; — ensuite la terreur salutaire, le souvenir effrayant qui le retiendra désormais, s’il était sollicité à de nouvelles fautes ; — en troisième et dernier lieu, la réforme intérieure qui doit éteindre en lui, quand il se retrouvera maître de lui-même, tout désir coupable, toute propension à mal faire.

La servitude légale organisée pour répondre à ce triple desideratum devait être dépouillée de tout ce qui en avait fait jadis un supplice presque intolérable. Aucune loi n’autorisant à compromettre la santé du prisonnier, une foule de concessions devenaient indispensables. Un abri salubre, un vêtement suffisant, une alimentation en rapport avec ses besoins, on les lui devait strictement, rigoureusement. Certains luxes, — la propreté par exemple, — lui étaient accordés, plus souvent imposés, aussi bien dans un intérêt moral qu’en vertu de considérations purement hygiéniques. L’éducation enfin, bien qu’elle comportât certaines satisfactions de l’intelligence, certains allégemens à l’ennui de la captivité, ne pouvait lui être refusée, puisqu’on se proposait de le réformer en même temps que de le punir. D’un autre côté cependant la peine proprement dite devait subsister avec ses terreurs salutaires, et laisser un souvenir durable. Il fallait donc se garder de toute excessive indulgence, de toute concession démesurée. Le travail s’imposerait monotone et fatigant : la solitude et le silence l’aggraveraient encore ; l’uniformité de la règle entraverait l’essor des volontés