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pauvre méthodiste errant au milieu des temples de marbre chargés d’images d’or, des opulens monastères et des résidences officielles des prêtres ! Tout cela sans doute n’est nullement une garantie de durée, et le paganisme romain n’avait jamais été si riche qu’à la veille de sa chute.

S’il faut en croire l’opinion des missionnaires anglais, l’édifice religieux des Chinois serait menacé du même sort ; il craque de toutes parts, et l’on touche à un changement dont les conséquences doivent s’étendre sur plus d’un tiers de l’Asie. Certes l’occasion est belle, et l’on comprend le zèle qu’apportent nos voisins dans cette nouvelle croisade d’idées. En vue de leur commerce et de leur diplomatie, sans parler même d’autres motifs plus nobles, ils auraient le plus grand intérêt à implanter le christianisme anglais sur les ruines de l’idolâtrie mongolique ; mais combien grandes sont les difficultés ! Le nombre des moissonneurs est bien restreint, si la moisson est considérable. Est-ce une poignée d’hommes parlant à peine la langue du pays qui triomphera de l’obstination et des dédains d’une race infatuée de ses mérites ? Quelques missionnaires éclairés le reconnaissent eux-mêmes : à la philosophie des Chinois il faudrait opposer une philosophie, à leur littérature des monumens littéraires, à leur prétendue science une autre science plus profonde et plus exacte. Pour qu’il en fût ainsi, il serait nécessaire que des hommes de talent se rendissent de bonne heure en Chine, que pendant un séjour de dix années ils ne négligeassent rien pour acquérir une connaissance suffisante de la langue, et qu’ils écrivissent ensuite des traités capables de convaincre les classes lettrées du pays. Mais ces jeunes érudits, où les trouver ? En l’absence de tels instrumens, on cherche à gagner parmi les indigènes ceux qui ont passé des examens auxquels se rattachent en Chine les honneurs et les distinctions sociales. Les missionnaires ont réussi auprès de quelques maîtres ès-arts, esprits inquiets ayant joué dans leur vie toute sorte de rôles, tels que ceux de devin, d’astrologue et de charlatan. Comme ils connaissent les livres de Confucius, ils sont plus à même que d’autres de réfuter les argumens de ses disciples. Est-ce pourtant avec de si faibles élémens qu’on peut entretenir l’espoir d’atteindre une société de trois cent quatre-vingt-seize millions d’individus ? Cette nation a-t-elle d’ailleurs tout à fait tort à son point de vue de repousser la coupe qu’on lui offre pour guérir ses maux ? En visitant le musée des missionnaires de Londres, je remarquai une bouteille de forme curieuse avec une étiquette sur laquelle on lit ces mots de l’Évangile écrits à la main : « Nul ne met du vin nouveau dans de vieux vaisseaux ; autrement le vin nouveau les fera éclater, et le vin se répandra et les vaisseaux se