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métier de colporteur biblique est très souvent exercé par des Juifs convertis qui, au zèle du néophyte, joignent le coup d’œil perçant du brocanteur. Outre les agens salariés, la société compte en Angleterre et ailleurs un grand nombre d’agens volontaires. L’un des champs de propagande les plus fertiles, le croirait-on ? est le cabaret, public home. Dans un seul district de la Grande-Bretagne, 7,388 Bibles ont été vendues en trois années chez une centaine de publicains par des ouvriers qui venaient y passer avec intention la soirée du samedi. A l’aide de tous ces moyens d’action, la société a écoulé en 1864 2,495,118 exemplaires.

Comment s’étonner après une telle diffusion des Écritures qu’on les rencontre partout en Angleterre ? Entre-t-on dans la salle d’attente d’un chemin de fer, le seul volume qu’on trouve pour tromper l’ennui des heures est celui qui nous entretient de l’éternité. Dort-on dans un hôtel, la Bible veille auprès du lit, sur la table de la chambre à coucher. Lorsque les émigrans quittent le port de Londres, de Southampton ou de Liverpool, la mère-patrie leur dit adieu et les suit au-delà des mers dans un livre. Le comité préside à toutes ces distributions : il appelle cela « jeter du pain sur les eaux. » Que prêche le missionnaire anglais dans les steppes lointains où il déploie sa tente ? La Bible, toujours la Bible. On raconte que la reine Victoria répondit aux députés d’une peuplade barbare qui témoignaient devant elle une sorte de ravissement à la vue des merveilles de la civilisation britannique : « Je vais vous montrer la source de toute cette grandeur sociale, » et elle leur présenta la Bible. Vraie ou fausse, cette manière de voir est partagée par la majorité de la nation. Le moyen qu’un livre si généralement répandu n’ait point gravé une forte impression sur l’esprit et les mœurs des Anglais ? Je n’ai pourtant à suivre la trace de cette influence que dans les rapports de la Grande-Bretagne avec les races étrangères.

La Bible society n’est point la seule qui se charge de multiplier les Écritures ainsi que les cinq pains dans le désert[1] ; mais un livre si étranger aux croyances et aux habitudes des nations antichrétiennes ne parle guère par lui-même. Il a donc fallu l’appuyer de l’action vivifiante de certains interprètes. Aux sociétés bibliques se rattachent en effet les sociétés de missionnaires, dont on compte jusqu’à quarante et une dans le royaume-uni, et parmi lesquelles il suffira de signaler les plus importantes.

La plus ancienne et sans contredit l’une des principales est la

  1. Parmi les plus actives, il faut nommer la Society for promoting christian know-ledge (société pour encourager la connaissance du christianisme).