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l’esclavage des noirs dans toutes les colonies anglaises. Le comité d’alors s’unit à lui pour témoigner la satisfaction que lui inspirait cette grande mesure. Tous les pouvoirs dérivent d’ailleurs d’une assemblée annuelle, annual meeting » qui se tient le 1er mai, et à laquelle peuvent se rendre tous les membres de la société. C’est cette assemblée qui élit le comité ainsi que le trésorier devant entrer en fonction, c’est elle qui sanctionne les comptés et les rapports. Pour être membre de la société, il faut payer une guinée par an : ceux qui versent à la fois dix guinées sont membres à vie, life members. Les principales sources de revenu sont les souscriptions, les legs, les donations, les collectes dans les écoles et les églises. Les opérations de la société-mère s’appuient en outre sur le concours des succursales, auxiliary and branch societies, au nombre de 3,887 dans le royaume-uni et de 1,059 dans les colonies ou autres dépendances de l’Angleterre. Les membres de ces associations auxiliaires ne paient souvent qu’un denier par semaine ; mais les minces ruisseaux forment en se réunissant de grosses rivières. En 1804, l’institution naissante ne recueillit que 640 liv. sterl. (16,000 fr.) ; ses recettes annuelles s’élèvent maintenant à plus de 160,000 liv. sterl. (4 millions de francs). Les succursales lui fournissent en outre des alliés dans tous les pays habités. La vieille maison d’Earl-street, d’où s’envolent des Bibles, est connue jusque chez les sauvages des îles Fidji. Douée d’une force d’expansion incalculable, cette société embrasse le monde. Aussi donne-t-elle à son œuvre le nom de catholique (universelle)[1].

En 1845, la Bible society adopta un système de colportage qui contribua beaucoup à étendre la vente du livre. Ces colporteurs ou hawkers forment une classe distincte de la population anglaise. On les rencontre surtout dans les houblonnières à l’époque de la cueillette (hop-picking), dans les foires, les marchés et certaines

  1. En présence de tels efforts, n’est-il point naturel de se demander comment s’est faite la Bible anglaise qui sert encore aujourd’hui de prototype à la plupart des traductions en langues étrangères ? Depuis le temps de Wickliffe jusqu’au règne de Jacques Ier, l’Angleterre n’avait pas de version des Écritures qui fût généralement accréditée. C’est pour répondre à ce besoin que Jacques Ier choisit cinquante-quatre savans qui s’étaient distingués dans ce genre d’études. Quarante-sept d’entre eux se mirent à l’œuvre : ils se divisèrent en six classes indépendantes, et à chacune d’entre elles fut allouée une partie du travail. Chaque personne devait produire sa traduction et la soumettre à une assemblée de ses collaborateurs. Quand une classe était d’accord sur la version d’une partie du livre, cette même version était communiquée à toutes les autres classes, de telle sorte que chaque fragment reçut la sanction du corps entier. L’ouvrage dura trois années, de 1607 à 1610. Le premier exemplaire sortit des presses de Robert Barker en 1611. L’étude des langues orientales n’était point alors très avancée, et plusieurs de ces savans, nommés d’office, manquaient sans doute du sens critique ; leur traduction de la Bible, acceptée à la fois par l’église établie et par les sectes dissidentes, n’en est pas moins considérée comme un des monumens de la littérature anglaise.