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l’influence se fait plus ou moins sentir jusqu’aux extrémités du monde. La Société biblique est une des grandes forteresses du protestantisme anglais. A défaut d’artillerie, elle a ses presses, d’où sortent par millions des livres imprimés en cent soixante-neuf langues et en toute sorte de caractères. L’intérieur est occupé par des bureaux, des magasins, des salles de réunion et une bibliothèque sacrée renfermant cinq mille volumes ou manuscrits. A l’histoire de cette institution se rattachent les annales de la propagande religieuse dans la Grande-Bretagne, dans les colonies anglaises et jusque dans ces îles reculées où abordent rarement les navires.

La Société biblique fut fondée en 1804. Le 7 mars de cette même année, un meeting eut lieu à London-Tavern ; trois cents personnes environ y assistèrent, et une somme de 700 liv. st. (17,500 fr.) fut aussitôt souscrite pour accroître et encourager la circulation des Écritures. A peine constituée, la société se mit aussitôt à l’œuvre. En 1805, elle lançait dans le monde une première édition du Nouveau Testament en anglais. Vers cette époque, la stéréotypie, connue depuis longtemps en Europe, mais jusque-là rebelle à la pratique, faisait de grands progrès en Angleterre entre les mains du comte Stanhope et de l’ingénieur Andrew Wilson. Ce procédé rendit d’importans services à la Bible society en la mettant à même de multiplier les exemplaires et de les vendre à très bon marché[1]. Ce qui compliquait beaucoup la tâche de l’institution était le nombre et la variété des dialectes. Pour ne parler que de l’intérieur, il existe dans les îles britanniques cinq langues bien distinctes : le welche, l’ancien irlandais ou erse, le gaélique, le manx[2] et l’anglais. Il fallut traduire et imprimer la Bible dans tous ces idiomes. La difficulté fut bien autrement grande lorsque la société dirigea ses efforts vers le continent européen et surtout vers les autres parties du monde. Que de signes différens de la pensée ! que de langues dont nous ignorons même le nom ! que de caractères qui semblent défier l’intelligence humaine ! L’institution triompha pourtant de tous ces obstacles. La Bible est aujourd’hui traduite en tout ou en partie dans quatorze dialectes de la Polynésie, dans dix-neuf idiomes de l’Afrique, dans quinze langues primitives du Nouveau-Monde. Qui n’a été parfois

  1. Après un temps d’essai, la méthode stéréotypique a pourtant été abandonnée en grande partie. La société lui préfère aujourd’hui un autre système. Elle fait composer tout le livre et conserve ensuite les lettres de plomb à l’état fixe ou en formes. Il a été reconnu que par ce moyen les caractères s’usaient moins vite, et que les erreurs de typographie étaient plus faciles à corriger. Un tel procédé exige, il est vrai, au commencement de grands déboursés ; mais, à mesure que les éditions se succèdent, il finit par être le plus économique.
  2. Dialecte celtique particulier à l’Ile de Man.