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SYMPTOMES DU TEMPS

DE LA CURIOSITE EN LITTERATURE.

Idées et Sensations, par MM. de Goncourt, 1 vol. in-8o ; Paris 1866.

Nous ne voudrions pas, à Dieu ne plaise ! qu’on nous accusât d’injustice envers notre temps ; mais ce n’est pas en médire que d’y chercher les symptômes de certaines maladies intellectuelles et morales. Toutes les époques ont eu, dans un sens quelconque, de ces dispositions maladives, exagération d’une qualité ou d’un défaut à la mode, imitations excessives des modèles appropriés à l’esprit du moment, péchés mignons de la société ou de la littérature, revers des médailles frappées à l’effigie d’un homme ou d’un siècle. Dans l’âge héroïque de l’esprit français, l’idéal chevaleresque côtoyait la carte du Tendre. Cent ans plus tard, tous les bouquets artificiels de la futilité, toutes les variétés de la fadeur florissaient, en plein mouvement philosophique, à deux pas de Voltaire, qui traitait d’égal à égal l’abbé de Bernis et Gentil-Bernard, et donnait d’avance un utile sujet de réflexions aux gens tentés de prendre au sérieux les complimens des maîtres. Enfin, lors des grandes batailles du romantisme, les puérilités abondèrent. Pour bon nombre de combattans, les questions de détail et de forme, d’enjambement et de césure, eurent tout autant d’importance que le réveil du spiritualisme et les vraies conquêtes d’un art nouveau régénéré par des libertés nouvelles.

Notre époque n’en est plus à retrouver les idées générales et à fixer la langue pour les exprimer ; elle n’a plus à aiguiser l’idée et le mot pour en faire une arme contre les abus. Si elle essayait, pour s’occuper, d’entreprendre une révolution littéraire, cette révolution, cherchant vainement ; quelque chose à combattre ou à détruire, expirerait dans le vide ou le