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chefs d’industrie, et si cordialement détester des mères de famille. Elle y joint un grand défaut que tout homme d’état digne de ce nom doit prendre en grande considération, elle est effroyablement dispendieuse. Le temps n’est plus où un état tel que la France pouvait faire face à l’Europe coalisée et subvenir à toutes les dépenses de son administration avec des budgets de 600 millions à 1 milliard 200 ou 300 millions[1], comme ceux du premier empire. La guerre de Russie en 1854 et 1855, celle d’Italie en 1859, celle qui a déchiré le sein de l’Union américaine de 1861 à 1865, montrent à quelles dépenses on s’oblige de nos jours quand on s’engage dans une grande guerre. Dans la lutte de 1854 et 1855 contre la Russie, quoique la France partageât la tâche avec un puissant allié, nous avons dû, pour dix-huit mois d’hostilités, emprunter 1 milliard 1/2, outre ce qu’a pu fournir aux budgets de la guerre et de la marine l’impôt augmenté dans la limite du possible. En peu de semaines, la guerre d’Italie de 1859 nous a coûté près de 500 millions, obtenus par l’emprunt, sans compter tout ce qu’on a pu prendre sur les revenus ordinaires. La guerre la plus récente dont le monde civilisé ait donné le spectacle, celle où le nord et le sud des États-Unis étaient en présence, a laissé au nord une dette de 15 milliards, outre les emprunts particuliers des états et des villes qui avaient souscrit des engagerons considérables pour enrôler des volontaires et équiper des régimens, le tout indépendamment des impôts grandement accrus. Le nord des États-Unis a donc dépensé pour faire la guerre bien au-delà de 4 milliards par an.

Il serait téméraire d’essayer de prévoir la somme qui serait nécessaire aux puissances belligérantes dans le conflit dont l’Europe est menacée ; mais il est vraisemblable que pour chacune d’elles ce ne serait pas de moins d’un milliard d’ici à la fin de l’année. Or la Prusse, l’Autriche, l’Italie, les seules puissances dont il soit permis encore d’affirmer qu’elles s’engageraient dans ce conflit dès le

  1. En l’an IX (1801), les dépenses de l’état furent de 550 millions. Avec les frais de perception, ce serait moins de 600 millions. Le budget des dépenses s’élève progressivement. Il est de 500 millions en l’an X frais de perception non compris, de 632 en l’an XI, de 804 en l’an XII. On trouve dans M. Mollieu les chiffres suivans sur les huit dernières années de l’empire :
    1806 970,810,000 francs
    1807 777,850,000
    1808 811,418,000
    1809 857,371,000
    1810 859,164,000
    1811 1,103,367,000
    1812 1,168,000,000
    1813 1,263,803,000