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IV

Ainsi finit la seconde tentative de politique constitutionnelle et conciliatrice : presque aussi malheureusement terminée que la précédente, cette expérience avait suivi un cours plus paisible et laissé quelque résultats qui lui ont survécu. Ce sera à M. Duvergier de Hauranne, dans les volumes qu’il lui reste à écrire, de nous expliquer ces péripéties et d’en faire sortir des enseignemens. En narrant ces chutes successives, il aura surtout à prévenir son lecteur contre les fausses conséquences que sont trop portés à en tirer de nos jours les ennemis officieux des libertés publiques et les docteurs complaisans du pouvoir absolu. J’entends d’ici, en effet, bien des gens qui vont dire que les échecs répétés d’hommes tels que M. de Villèle et M. de Serre accusent non leur talent ou leurs intentions, mais l’ordre entier d’institutions qu’ils ont eu pour tâche de mettre en œuvre. C’est la liberté de la presse, la libre discussion, l’initiative parlementaire, c’est la liberté politique tout entière en un mot qui est mise en cause, et sommée de répondre devant la postérité des talens et des vertus qu’elle a fait dépenser sans fruit pour le bonheur de la France.

La réponse de la liberté à ces vulgaires attaques, est d’ordinaire aussi aisée que concluante. C’est une réplique ad hominem. Elle n’a qu’à interroger à son tour le pouvoir absolu et à lui demander ce qu’il a su faire du plus grand génie des temps modernes. Les succès obtenus par les hommes d’état constitutionnels ont pu ne pas répondre à l’éclat de leur éloquence et à la pureté de leurs desseins. Du moins, en entrant dans leur retraite, ils n’ont pas laissé leur patrie deux fois foulée aux pieds par les troupes étrangères et respirant avec gêne dans des frontières armées contre elle. Si la durée d’un gouvernement est la mesure de sa valeur, hélas ! en France aucune institution n’a de reproches à faire à une autre ; mais s’il faut que tous les gouvernemens meurent vite et meurent jeunes, c’est leur héritage alors que l’on doit comparer, et la comparaison est tout entière à l’avantage de la liberté.

On peut ajouter quelque chose encore, ce semble, à la force déjà si grande de cette réponse. Peut-être les réflexions que nous venons de soumettre au lecteur peuvent-elles l’aider à pénétrer plus profondément dans la difficulté, et fournir à un argument spécieux une réfutation qui soit plus qu’une récrimination. Si le tableau que nous venons de présenter est véritable, il est clair que ce ne sont pas les institutions politiques elles-mêmes qui ont formé l’obstacle