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roi de Prusse qui a donné à la France la cour de Vienne pour alliée ; laissons disparaître cette crainte, et bientôt cette cour reviendra à l’ancien système, qu’elle n’a abandonné que par la conviction d’une plus grande utilité, Le roi de Prusse, au mépris de ses engagemens avec la France, en ayant contracté de défensifs avec la pour de Londres, celle de Vienne saisit très habilement le moment du ressentiment pour se lier avec nous ; de là l’alliance de 1756. C’est à la crainte inspirée par le roi de Prusse que la France a dû son alliance avec la cour de Vienne ; ce n’est donc qu’en conservant, la puissance qui est l’objet de crainte que la France peut espérer de perpétuer cette même alliance. On ne craindra pas de le dire : s’il fallait opter entre la conservation des branches de la maison de Bourbon en Italie et celle de la puissance prussienne en Allemagne, il n’y aurait pas à hésiter entre l’abandon des premières et le maintien de l’autre. »


Qu’eût dit Marie-Antoinette, si elle eût eu connaissance de pareilles notes, et quel commentaire de son très légitime soupçon alors qu’elle écrit à son frère que M. de Vergennes pourrait bien se servir de sa correspondance avec le roi pour employer ce qu’elle appelle la fausseté et le mensonge !

Nous savons maintenant en quelles dispositions la période révolutionnaire a dès son commencement trouvé la reine. Le procès du collier et ce que nous avons dit de ses irrésistibles tendances en politique nous l’ont suffisamment appris. Dans cette explosion de calomnies dont le scandale de 1785 avait été l’occasion, il fallait voir la conséquence des fautes légères où de malheureuses circonstances l’avaient entraînée pendant la première partie du règne ; elle s’était vue engagée vers l’impopularité. D’autre part, sa préoccupation constante des intérêts d’une famille et d’un pays objets de toutes ses affections avait été de nature à lui aliéner toujours davantage l’esprit public en France. Vienne la terrible période de la lutte révolutionnaire, et la voie imprudente qu’elle n’a pas su éviter lui deviendra, hélas ! un abîme.


II

Les archives de Vienne offrent pour l’année 1789 un petit nombre de lettres de la reine à son frère Joseph II, mais une série assez complète de billets à Mercy[1]. Les rapports directs avec la cour de Vienne étaient devenus difficiles, précisément à cause des soupçons que la conduite politique de Marie-Antoinette pendant la période précédente n’avait pas manqué de faire naître. Dès les premiers

  1. M. d’Arneth ne les a pas fait entrer dans sa publication, parce que M. Feuillet de Conçues les avait déjà donnés d’après ces mêmes archives.