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qui était faite aux païens et aux philosophes sont en grande partie confirmées par le texte authentique des lois réunies dans le code théodosien. Jusqu’à quel point toutefois cette législation barbare fut-elle appliquée ? C’est ce qu’il est plus malaisé de déterminer avec une complète certitude. Il est utile pourtant de vérifier un ou deux des récits du biographe grec relatifs à la fin tragique de quelques professeurs de l’école de Pergame ; nous prendrons les suivans parce qu’ils contiennent des faits peu connus et d’une réelle gravité.

Le premier se rapporte à la mort violente du philosophe Sopater, l’un des disciples de Jamblique. Ceux-ci, dit Eunape, avaient été dispersés par la terreur. Sopater d’Apamée, d’un caractère plus énergique et comptant plus sur lui-même, au lieu de se cacher, se présenta à la cour de Constantin dans l’espoir de le contenir et de le ramener par l’ascendant de la raison à des sentimens plus doux envers les païens. L’empereur, charmé de l’éloquence et des qualités de cet homme, le prit pour son conseiller et le fit asseoir à sa droite. Cette prompte faveur irrita la jalousie des courtisans, qui jurèrent sa perte ; mais ils surent se contenir et attendre patiemment l’occasion propice. Elle ne tarda guère à se présenter. Constantin, pour peupler sa nouvelle ville, avait tiré de toutes les parties de l’empire une foule immense qu’il était obligé de nourrir en faisant venir des grains de la Syrie, de la Phénicie et de l’Égypte. Il aimait, dit Eunape, les applaudissemens des gens ivres qui pouvaient à peine se soutenir, et trouvait du plaisir à entendre répéter son nom par des bouches à peine capables de le prononcer. A la moindre disette, la foule mécontente n’applaudissait plus. Un jour, la flotte chargée de blé ne put entrer dans le port, d’où la repoussaient des vents contraires. Les ennemis de Sopater se rendirent auprès de l’empereur et lui dirent : « Ton favori, que tu as comblé à cause de ses talens, s’est servi de son habileté pour enchaîner les vents favorables. » Aussitôt le crédule Constantin ordonna que le philosophe fût décapité. — Cette narration, où percent en maint endroit la passion et la haine, n’a pas laissé que de paraître vraisemblable. Il est possible en effet qu’Eunape, qui n’avait pas de bien fortes raisons d’aimer la mémoire de Constantin et qui écrivait longtemps après, sous Théodose, se soit laissé aller à charger sa narration de détails controuvés et de couleurs sombres ; mais jusqu’ici du moins aucun témoignage n’a démontré la fausseté du fond de son récit. Bien plus, nous avons rencontré dans Suidas un texte qui en reproduit les élémens principaux avec une brièveté sèche et nue, mais très significative. « Sopater d’Apamée, dit-il, rhéteur et philosophe et disciple de Jamblique, est celui que le césar Constantin fit périr pour se laver lui-même du soupçon