Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 63.djvu/449

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

thaumaturgique. Au surplus, ils proscrivaient l’idolâtrie proprement dite et abhorraient cette magie grossière qui se flattait d’accabler un ennemi par des maléfices et de le changer à l’occasion en âne, en porc ou en chien. Aussi ne se sentaient-ils point coupables de ces méfaits, alors qualifiés de crimes. Ils cherchaient la retraite et la solitude ; ils craignaient de révéler ces merveilles étranges dont on les accuse d’avoir fait un instrument de succès. Eunape nous apprend que les successeurs de Jamblique n’osèrent ni répandre, ni consigner par écrit les prodiges accomplis au sein de l’école. Ils étaient en proie à des terreurs continuelles. A en croire l’auteur des Vies des philosophes, la répression des pratiques même les plus innocentes était terrible. Eunape a-t-il exagéré ? Souvent, mais pas toujours. — Pour s’en convaincre, on n’a qu’à parcourir le titre seizième du code de Théodose ; on y verra des lois telles que les suivantes : « que nul aruspice n’entre dans la maison d’un citoyen, pas même pour une cause indifférente ; que chacun renonce à son amitié pour de tels hommes, cette amitié fût-elle ancienne. Que l’aruspice qui aura foulé le seuil de quelqu’un soit brûlé ; que celui qui l’aura attiré chez soi par des paroles ou des présens soit privé de ses biens et exilé dans une île. » Cette loi est de Constantin et porte la date de 319, En voici une autre, signée du pusillanime et cruel Constance en 357 : « que nul ne consulte ni aruspice, ni astrologue, ni devin ;… que la voix curieuse qui interroge la divination se taise à jamais ; que celui qui aura désobéi à cet ordre ait la tête tranchée. » Au reste, la méfiance et les soupçons de ce triste oppresseur de Julien prévoyaient tout et n’épargnaient personne. Une autre de ses lois, plus atroce encore que la précédente, condamne à la torture même les personnes de la cour et de la maison de Julien, alors césar, qui s’adonneraient à la magie, et s’ils nient le fait devant leurs accusateurs, il est dit qu’on les placera sur un chevalet (eculeo deditus) et qu’on leur déchirera les flancs avec des ongles de fer (ungulisque sulcantibus latera). Et l’on s’étonne, après cela, que Julien ait poussé la dissimulation à ses dernières limites ! A ces lois, nous pourrions en ajouter de pareilles de Valentinien et de Théodose. Voilà les menaces qui étaient suspendues sur la tête des néoplatoniciens adonnés à la théurgie ; voilà les supplices qui les attendaient et qu’ils subirent quelquefois. Convenons que pour persévérer dans les cérémonies de leurs mystères, quelque absurdes qu’elles fussent, il ne leur fallait pas moins que le courage de la conviction. Certains d’entre eux étaient sceptiques, et ils raillaient la crédulité des autres ; mais il ne parait pas qu’ils les aient accusés de jouer un rôle, ni d’abuser sciemment les disciples qui se confiaient à leur enseignement.

On vient de voir que les assertions d’Eunape sur la dure situation