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le polythéisme avec la raison devra tenir le plus grand compte de la méthode exégétique d’Olympiodore.

Ce dernier représentant de l’école d’Athènes était dans les voies de la véritable tradition platonicienne, et visait à un but très élevé lorsqu’il admettait parmi les objets de la spéculation métaphysique ces mythes que la science rigoureuse des modernes écarterait sans pitié. L’honnête alexandrin ne voulait tromper personne : il aspirait seulement à donner à chaque classe d’esprits, et dans chaque esprit à chacune des facultés de l’intelligence, la nourriture religieuse qui leur convenait. Voici ce qu’il dit des mythes philosophiques : « On emploie les mythes philosophiques pour ne pas divulguer ce qui ne pourrait être compris. Comme dans les cérémonies religieuses on voile les instrumens sacrés et les choses mystérieuses afin de les dérober aux regards des hommes indignes, ainsi les mythes enveloppent la doctrine, afin qu’elle ne soit pas livrée au premier venu. En outre les mythes philosophiques se rapportent aux trois puissances de l’âme. Si nous étions une pure intelligence, l’esprit n’aurait pas besoin de mythes. Si au contraire nous n’avions que l’imagination, les mythes suffiraient à tous nos besoins ; mais nous avons en nous l’intelligence, l’opinion, l’imagination. Voulez-vous vous conduire d’après l’intelligence, vous avez la voie de la démonstration ; — d’après l’opinion, vous avez le témoignage ; — par l’imagination, vous avez les mythes. Ainsi tous les besoins de l’homme sont satisfaits. »

Satisfaire tous les besoins intellectuels et religieux de l’homme, quelle noble et généreuse ambition ! Ce fut celle des philosophes néoplatoniciens dont Olympiodore vient d’exprimer en une ligne le vaste dessein. L’exécution de ce plan réclamait des forces qu’ils n’avaient pas et que l’humanité n’aura peut-être jamais ; mais il est beau de l’avoir conçu. Certes ils ont commis des fautes énormes, ils ont énervé la notion rationnelle du Dieu vivant, ils ont multiplié sans nécessité, sans mesure et sans preuves les êtres divins ; ils ont couvert de l’autorité de la science des pratiques ridicules, dangereuses même. Toutefois, en fournissant des raisons telles quelles, mais sérieuses à leurs yeux, de ce qu’ils croyaient, ils ont laissé des témoignages de leur sincérité. Dès lors pourquoi les accuser d’avoir déshonoré la philosophie ? L’auteur brillant et convaincu de l’Histoire de l’Église et de l’Empire au IVe siècle estime justement qu’on doit se résigner à penser qu’un homme d’esprit tel que Julien pouvait encore, quatre cents ans après Jésus-Christ, s’aveugler" jusqu’à chérir les fables dont souriait déjà Cicéron[1]. Or il

  1. M. Albert de Broglie, t, III, p. 281 de son ouvrage.