Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 63.djvu/412

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mon fils, dans l’esprit ? — Pourquoi veux-tu m’envoyer — Garentina si loin ? — Constantin, ô mon fils, — ton idée est mauvaise. — Lorsque dans la joie je la voudrai, — dans la joie je ne l’aurai pas ; — alors que dans le deuil je la voudrai, — dans le deuil je ne l’aurai pas.

« CONSTANTIN. — Oh ! ma mère, reçois ma foi ; — alors que dans la joie tu la voudras, — alors dans la joie j’arrive et te l’amène ; — alors que dans le deuil tu la voudras, — alors dans le deuil j’arrive et te l’amène.

« Comme le voulait Constantin, — Garentina mit la couronne (des mariées) ! — Et ils envoyèrent Garentina — parmi les étrangers, dans une cité. — Longtemps après arrivèrent des guerres, — et à cette mère affligée tous ses neuf fils en un an — restèrent morts. — Ses neuf brus et ses neuf petits-fils — moururent la même année ; — elle s’habilla tout entière de deuil — et plongea sa maison entière dans l’obscurité. — Vint le jour des morts ; — lentement, lentement sonnait la cloche ; — de tristesse s’emplissait l’âme, — et dans le cœur s’éteignait l’orgueil. — Cette mère au cœur blessé — alla ce jour à l’église — où ses neuf fils étaient dans le tombeau, — et à minuit elle en sortit. — A chaque tombe, elle mit un cierge — et dit un chant funèbre en demandant grâce pour l’âme ; — mais à la tombe de Constantin — elle mit deux cierges et dit deux chants.

« LA MERE.. — Constantin, honoré jeune homme, — Constantin, ô mon fils, — où est la parole que tu m’as donnée ? — Il est mort et il a été mis sous la terre !…

« A minuit, l’église demeura — fermée sans qu’il restât personne. — Constantin sortit de son sépulcre, — et comme vivant détira ses membres et secoua son engourdissement. — La pierre du tombeau se trouva là pour cheval ; — dessus était une couverture noire, — et l’anneau qui maintenait la pierre — aussitôt lui fit un frein d’argent. — Constantin saute sur ce coursier, — et vole rapide comme le vent, — tellement qu’au point du jour devant la maison — de sa sœur il se trouva. — Les fils de sa sœur près de là — couraient aux hirondelles, — et devant la maison du père — avec joie dansaient et folâtraient.

« CONSTANTIN. — Mes enfans, où est votre mère ?

« LES FILS. — Elle est à la ville pour la vala (danse). — Elle est dans la première danse.

« CONSTANTIN. — Enfans, vous êtes charmans, — mais ne faites plus rien pour moi. (il court à la vala et il interroge les danseurs.) Garentina, ma sœur, — Garentina n’est pas avec vous ?

« LES DANSEURS. — Tu la trouveras plus loin. — Va dans la seconde danse.

« CONSTANTIN. — Jeunes femmes, vous êtes belles ; — mais pour moi vous êtes sans beauté. (Il va aux autres danseurs et il les interroge.)

« GARENTINA. — Oh ! qui vient ? Constantin ! — Constantin, mon frère !

« CONSTANTIN. — Garentina, allons, hâte-toi.

« GARENTINA. — Et pourquoi cet empressement ?

« CONSTANTIN. — Tu dois venir avec moi chez la mère.

« GARENTINA. — Dois-je venir en deuil ou en joie ? — Si… je dois venir en deuil, — je vais m’habiller de noir, — si… je viens en joie, — je dois prendre de beaux vêtemens.