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Les sept
Croix-de-Vie


I.

Le pays où s’est passée l’histoire que nous essayons de raconter est ce coin de la France qui donna, il y a bientôt quatre-vingts ans, le spectacle d’un peuple entier debout et en armes contre ceux qui lui parlaient de l’affranchir, et combattant pour ses libertés locales avec le fusil, la faux et le bâton, avec les tuiles de son toit, le plomb de l’église, les pierres du chemin. Les marches du Poitou ont leur épopée dans cet âge héroïque. Le souvenir de la grande lutte n’y était pas mort il y a vingt ans ; les âmes tressaillaient à de certains jours anniversaires des victoires ou des défaites, et l’on voit encore à présent. Je dimanche après la messe, plus d’un paysan, poursuivi par la chaude mémoire des aïeux, s’engager seul dans la forêt et suivre sous le taillis d’un pas méditatif la margelle des fossés qui sont pleins d’ossemens ; son front se plisse, sa narine se gonfle : ces bocages ont gardé l’odeur de la poudre. Ce paysan est bien le fils de ceux qui dorment là sous les feuilles ; hardi et fort comme eux, la tête carrée, de longs bras de fer, le pied d’une agilité redoutable malgré la pesanteur apparente de son allure, le coup d’œil infaillible, il est infatigable à la course, et de sa vie n’a manqué un lièvre ; il pourrait recommencer la guerre demain, si son cœur était à la guerre. La nature lui a donné un allié plus puissant que les remparts et les murailles, terrible pour l’attaque, bien plus sûr encore pour la défense : cet allié, c’est le chêne. L’arbre druidique couvre le vieux pays des Celtes, il est le roi muet de cette terre sombre. Il veille au sommet des coteaux dans