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éclat dans cette classe si nombreuse, qui a donné lieu de loin en loin à des découvertes singulières, à des surprises qui ont vivement occupé le public. Ainsi, vers le milieu du siècle dernier, Spallanzani, dans un mémoire célèbre intitulé : des Animaux qu’on peut tuer ou ressusciter à son gré, faisait connaître les étranges propriétés de plusieurs petits êtres de la même classe, vers nématoïdes, et Needham découvrait les anguillules du blé niellé. La présence inexplicable de plusieurs milliers de ces êtres dans un grain de blé et leur retour à la vie après plus de huit ans d’une dessiccation complète faisaient douter de leur animalité. Buffon y puisa un argument en faveur de sa théorie célèbre de l’activité des molécules organiques, théorie suivant laquelle beaucoup d’animaux ne seraient que des machines. D’autres espèces, visibles à l’œil nu, n’attirèrent pas moins l’attention publique. « Sur les bords de la Mer-Rouge, raconte Plutarque, les habitans sont exposés à des accidens extraordinaires. Il sort de leur corps de petits serpens qui rongent leurs bras et leurs jambes ; quand on les touche, ces serpens rentrent dans les chairs, s’entortillent dans les muscles et causent des souffrances horribles. » Des docteurs, des érudits ne manquèrent pas de voir dans les serpens dont parle Plutarque les serpens ardens des Hébreux ou leurs descendans. On sait aujourd’hui que ce sont des vers nématoïdes nommés filaire de Médine et qu’on trouve en Arabie, dans l’Inde et dans l’Afrique centrale. Deux voyageurs célèbres apprirent par une douloureuse expérience personnelle l’existence de ces parasites. Cromer et James Bruce en furent atteints ; ce dernier, après son retour d’Abyssinie, fut plus d’un an à se rétablir.

Chaque espèce de ver nématoïde vit dans un séjour particulier, hors duquel elle périt nécessairement ; ainsi l’anguillule du vinaigre et celle du blé ne peuvent devenir les parasites d’un animal. Il en est qui subissent, comme les autres animaux et comme les plantes, l’influence des climats : la filaire de Médine par exemple ne se propage que dans les pays intertropicaux, un autre ver qui se loge dans l’orbite de l’œil n’atteint que les habitans de la côte occidentale d’Afrique. Le séjour est tellement limité pour la plupart des espèces parasites que non-seulement un organe leur est particulièrement dévolu, mais que les espèces spéciales à ces organes sont différentes chez des animaux différens. Il en résulte que les vers ne peuvent se propager d’un organe dans un autre, et qu’une espèce d’animal est à l’abri des atteintes des vers propres à une autre espèce.

Il y a cependant des exceptions à cette loi de la spécialité des vers nématoïdes : quelques espèces s’acclimatent pour ainsi dire dans des organes différens et chez des animaux divers ; tels sont le strongle géant et la trichine même. Le strongle, le plus grand et le plus redoutable des nématoïdes, atteint le cheval, le bœuf, le loup, surtout le chien, dont il détruit les organes urinaires. Ce ver, heureusement très rare de nos jours, fait aussi de l’homme sa victime, et, si l’on en croit Hugo Grotius, l’archiduc Ernest, vice-roi des Pays-Bas, périt sous ses atteintes.

Les mœurs de la trichine sont semblables à celles du strongle ; elle s’attaque de même à des animaux d’espèces diverses. Observée d’abord chez l’homme, on la trouva ensuite chez le porc et chez le blaireau ; mais,