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on se place. Pour des hommes spéciaux jugeant suivant les données actuelles de l’art militaire, l’offre de réduire l’armée au-dessous de 200,000 combattans paraîtra déjà excessive et compromettante ; mais il y a pour les nations des dangers de plus d’un genre. Le plus grand danger que puisse courir l’Italie en ce moment est de se mettre dans l’absolue nécessité de forcer les impôts. L’ennemi à craindre n’est pas seulement l’Autrichien, c’est surtout le fanatique venimeux qui se glisse dans la cabane du pauvre quand le percepteur en sort et qui fait sournoisement la comparaison du temps présent et du temps passé. A coup sûr, il faut que l’Italie soit debout, mais c’est par son vigoureux système de réserve[1] qu’elle doit imprimer autour d’elle le sentiment de sa vitalité. Il faut qu’elle se tienne préparée, non pas aux guerres d’états-majors qui se font en écrasant les budgets, mais à une guerre nationale où tout citoyen paie de sa personne.

Nous voudrions donc qu’on essayât de retrancher 80 millions plutôt que 55 sur l’ensemble du budget des dépenses. La situation est telle qu’il ne faut pas trop raisonner les économies : on doit les subir comme une nécessité de salut public, comme un cas de force majeure.

En ce qui concerne les impôts à introduire, nous ne pourrons en donner une idée qu’en indiquant les lointaines analogies avec la France. Commençons par établir que la population du royaume italien, comparée à celle de l’empire français, est dans la proportion de 58 pour 100 ; elle est d’ailleurs beaucoup plus dense, ce qui est un avantage pour la fiscalité. On compte au-delà des Alpes 84 habitans par lieue carrée et 69 seulement chez nous.

En Italie, la contribution foncière, décomposée en impôts sur les terres cultivables et les propriétés bâties, est déjà inscrite au budget provisoire de 1866 pour 134,877,465 francs. Les deux impôts correspondans chez nous, qui sont le foncier et la taxe des portes et fenêtres, ne fournissent au trésor que 207 millions[2]. Qu’on

  1. L’ancien système de recrutement auquel le Piémont a dû sa forte constitution militaire est appliqué actuellement à toute l’Italie. Sauf les cas d’infirmité et certaines exemptions prévues par la loi, tout citoyen est déclaré soldat et tire au sort à l’âge de vingt et un ans. Ceux qui ont amené les numéros les plus faibles forment une première catégorie qui entre immédiatement en service. Les autres, sous le nom de seconde catégorie, composent une réserve qui peut être appelée au besoin. Le service de la première catégorie comprend cinq ans d’activité et six ans de congé illimité. La seconde catégorie, si on avait besoin d’elle, pourrait être retenue sous les drapeaux pendant cinq ans.
  2. Outre cette partie de l’impôt afférente au trésor public, il y a les centimes additionnels qui forment les budgets spéciaux des communes ; mais l’Italie a aussi des budgets municipaux dont l’ensemble exige des cotisations supplémentaires pour une somme d’environ 200 millions de francs.