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concours entre les hommes d’état, quatre ou cinq systèmes ont surgi depuis quelques mois : il faut les examiner rapidement.

Le ministère, qui avait pour organe M. Sella, commença par déclarer possible une réduction d’une trentaine de millions obtenus en additionnant une foule de petites sommes retranchées ça et là dans le dédale des budgets. On lui sut gré de ce résultat, qui restera comme un bénéfice acquis. Quant aux ressources nouvelles, M. Sella fut moins heureux. Émerveillé, comme tous les financiers étrangers, par les produits, exagérés qu’qu’on tire chez nous de l’enregistrement, le ministre italien proposait d’élargir les bases de cet impôt de manière à récolter 20 millions de plus ; en même temps il conseillait d’introduire une taxe sur les portes et fenêtres, dont il attendait environ 20 millions, et de généraliser le droit de mouture dans la proportion d’un dixième sur le prix sur le prix du blé, ce qui eût procuré au minimum une centaine de millions. En combinant les 20 millions économisés avec les 155 millions fournis par les taxes nouvelles, on eût réduit le déficit à 90 millions ; cela cessait d’être effrayant, car pour la plupart des budgets européens je déficit pst tellement entré dans les habitudes que, lorsqu’il cesse d’être excessif, il semble un état normal. Ce plan fut écouté par l’assemblée avec un sentiment de surprise pénible, auquel M. Sella lui-même s’attendait. C’était par dévouement à sa conviction qu’il bravait l’impopularité. Toutefois, en condamnant les deux principales dispositions du projet ministériel, l’assemblée n’avait pas tort.

L’impôt sur les portes et fenêtres, moyen primitif de saisir le revenu, ferait double emploi en Italie, où l’income-tax a été introduit sous le nom d’impôt sur la richesse mobilière. Le droit de mouture est en réalité un impôt sur le pain : il a un air de dureté à l’égard du pauvre, et à ce titre il est frappé d’une réprobation instinctive ; supprimé à peu près partout, il n’existe peut-être plus que dans les provinces laissées au pape. Si faible qu’il soit, ce droit devient onéreux par son application incessante. En admettant un prix moyen de 18 francs, par hectolitre de blé, la taxe du dixième augmenterait le prix du pain d’environ 2 centimes et un quart par kilogramme, de sorte qu’un de ces pauvres ménages où les enfans affamés dévorent le pain pourrait être grevé de ce chef d’une trentaine de francs par année. Dans sa pratique fiscale, le droit de mouture devient une lutte où les vexations provoquent les fraudes. C’est en le supprimant dans les Marches romaines, l’Ombrie et la Sicile, qu’on a entraîné ces contrées dans le mouvement ; le rétablir aujourd’hui, non-seulement dans les provinces qui en ont été affranchies, mais dans le royaume entier, ce serait fournir aux ennemis de l’unité italienne une arme des plus dangereuses.