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l’ordre du jour, ici en développant, là en organisant des entreprises utiles. Bref, avant les annexions, les chiffres de dépenses déclarés dans chaque pays donnaient un total de 514 millions. En 1861, le premier essai de budget général pour le royaume italien accusait déjà une dépense de 795 millions, et comme les recettes ne s’improvisent pas aussi lestement que les besoins surgissent, le nouveau régime avait en perspective une succession de déficits qu’on chiffra tout d’abord par centaines de millions.

Il y avait surtout un gouffre de dépenses dont on ne connaissait pas les profondeurs. La nationalité italienne avait des ennemis de plus d’un genre à surveiller : elle n’ignorait pas que sa vigueur était mise en doute, et elle croyait bon de réagir, en se posant aux yeux de l’Europe à l’état de grande puissance militaire. L’urgence d’avoir une armée et une marine étant adoptée comme loi de salut public, on ne marchanda plus sur les moyens. Les contingens italiens, dans la campagne libératrice de 1859, n’avaient fourni que 100,000 hommes, y compris les volontaires au nombre de 20,000. Chaque annexion donna lieu à un élargissement des cadres, et on en vint à un effectif normal qui comporte 350,000 hommes sur le pied de paix, plus 14,000 douaniers organisés militairement, 152,000 hommes de gardes nationales mobilisables, et enfin des réserves exercées dont l’appel au besoin élèverait soudainement l’armée au chiffre de 702,000 combattans. La marine de guerre, improvisée en grande partie, compte déjà 65 bâtimens, dont 18 cuirassés, et elle dispose de 1,237 canons. Il est inutile de rechercher ce qu’ont dévoré de capital les armemens, le matériel, les forteresses, les arsenaux, les ports, les voies stratégiques et ces innombrables accessoires que réclament aujourd’hui une armée et une flotte.

Sans fermer les yeux sur l’énormité des dépenses, le public italien ne s’en est pas d’abord ému beaucoup ; il se plaisait à les considérer comme ces frais de premier établissement inévitables au début des grandes entreprises, et dont l’amortissement, habilement réparti sur un grand nombre d’années, n’est pas trop onéreux. Cinq années pleines de sacrifices se sont écoulées, et on trouve que la période d’organisation est longue., L’inquiétude est entrée dans les esprits. N’est-elle pas justifiée par les résultats qui vont suivre ? Ce sont les derniers mots des budgets.