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TRISTAN.

C’est vrai.

GABRIELLE.

Étiez-vous malade, elle pleurait à chaudes larmes, et priait le bon Dieu de lui passer les maux dont vous souffriez.

TRISTAN, ému.

Cette chère cousine !… Oui, c’est mal à moi de n’avoir pas voulu la revoir… D’ailleurs cela n’engageait à rien.

GABRIELLE.

Nullement…

TRISTAN.

Et quand bien même !… En y réfléchissant, elle doit être la femme la plus aimante, la plus dévouée…

GABRIELLE, souriant.

Quel singulier garçon vous faites ! Après Marie, vous avez pensé un instant à moi, si je ne me trompe ; après moi, vous revenez à votre cousine, et tout cela en moins d’une heure !

TRISTAN, haut.

Oui, ma foi ! mais ce n’est pas ma faute, je vous jure, c’est la vôtre…

GABRIELLE.

La mienne !

TRISTAN.

Vous m’avez parlé de Marie, de Gabrielle et de vous comme si vous aviez juré de me faire perdre la tête ; je ne sais plus où j’en suis ! C’est absurde ce que je vais vous dire, c’est pourtant la vérité : mon cœur bat à tout rompre ! Ce n’est plus pour Marie, à coup sûr ; pour qui donc ? Est-ce pour Gabrielle ? est-ce pour vous ? Je n’en sais absolument rien. Ne vous fâchez pas, et tirez-moi de peine, car c’est vous qui m’avez mis dans cet étrange et cruel embarras.

GABRIELLE, riant.

Ah ! ah ! ah ! grand nigaud ! va !

TRISTAN, la reconnaissant.

Gabrielle !… (Il lui saute au cou ; se ravisant.) C’est bien toi au moins ?

GABRIELLE.

Il est temps de me le demander !

TRISTAN.

Non ! de ma vie je n’ai été heureux comme aujourd’hui !… Tu es bien changée, sais-tu ?

GABRIELLE.

Et toi donc ?

TRISTAN.

Quand nous marions-nous ?