Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 63.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
TRISTAN.

Je m’en serais bien gardé, je craignais trop qu’elle ne m’épousât malgré moi. Elle avait autrefois un talent merveilleux pour me faire céder à tous des caprices, ce qui m’humiliait profondément.

GABRIELLE, se mettant en face de lui.

La reconnaîtriez-vous ?

TRISTAN.

Parbleu !

GABRIELLE.

Vous en êtes bien sûr ?

TRISTAN.

Je la vois encore… Qu’est-ce qu’elle vous a dit de moi ?

GABRIELLE.

Du mal.

TRISTAN.

Beaucoup ?

GABRIELLE.

Enormément.

TRISTAN.

Quoi encore ?

GABRIELLE.

Elle vous reproche d’abord de n’avoir ni cœur, ni tête.

TRISTAN.

D’abord ? Qu’est-ce qui lui restera donc pour ensuite ?

GABRIELLE.

Elle vous reproche ensuite de n’être pas sérieux, de ne jamais savoir ce que vous voulez, de tourner à tout vent, comme une girouette. Enfin…

TRISTAN.

Ah ! il y a un enfin !

GABRIELLE.

D’être un ingrat qui ne pense plus à elle.

TRISTAN.

C’est faux.

GABRIELLE.

Un méchant qui ne craint pas de faire de la peine aux gens !

TRISTAN.

C’est faux.

GABRIELLE.

Si jamais tu le rencontres dans le monde, me dit-elle souvent, fuis-le comme la peste ; si par impossible il demande ta main, cache-la dans ta poche.

TRISTAN.

A-t-on jamais vu !… Ah ! petite scélérate de cousine… Mademoiselle, je vous prie de ne pas croire un mot…