apostoliques, et que l’authenticité en est attestée par des témoignages bien plus anciens que ceux qu’on peut alléguer en faveur de l’Évangile.
Cette vigoureuse argumentation ne put toutefois contenter tout le monde. Non-seulement les représentans de la réaction religieuse, hostiles à priori à tout ce qui venait alors de Tubingue, la combattirent avec acharnement ; mais des théologiens de sens plus rassis et plus libre reprochèrent aux théories de Baur de se heurter à leur tour contre d’insurmontables difficultés. Baur avait évidemment assigné une date trop récente à la composition du quatrième Évangile : lui, MM. Schwegler et Zeller voulaient absolument que ce livre fût postérieur à l’an 160 ; mais comment expliquer alors la notoriété et l’autorité dont il jouissait si peu de temps après ? Les angles trop aigus du cadre que l’école appliquait à l’histoire du christianisme primitif, aiguisés encore par ces enfans perdus qui font que les écoles périssent, comme les gouvernemens, par l’exagération de leurs principes, arrêtaient plus d’une adhésion qui se fût volontiers donnée à un système historique moins absolu. Quelques théologiens, MM. Hase d’Iéna, Niermeyer de Leyde, Scholten, alors encore partisan de l’authenticité, et, s’il ose s’inscrire à côté de ces éminens professeurs, l’auteur de cette étude, se demandaient si le fameux dilemme était aussi rigoureux qu’il le semble, si, par exemple, l’apôtre Jean, judæo-chrétien l’an 68 quand il écrivit l’Apocalypse, n’avait pu par la suite, sous l’influence des événemens, du milieu plus grec, plus philosophique dans lequel il avait été transporté à Éphèse, s’élever à une conception plus spiritualiste de la vérité chrétienne et écrire à ce nouveau point de vue l’évangile qui porte son nom. MM. Bleek, Luthardt, Weitzel, partisans de la critique timide et modérée, en restaient sur le terrain défendu par Lücke, et M. Weitzel surtout tâchait, à grand renfort de distinctions plus imaginaires que réelles, de détourner la conséquence que l’on tirait de la controverse pascale au IIe siècle. MM. de Wette et Heuss persistaient à ne pas vouloir se prononcer. M. Ewald de Gœttingue, à peu près aussi rationaliste qu’on pouvait l’être à Tubingue, mais animé d’une inextinguible colère contre l’école des bords du Neckar, défendait l’authenticité avec autant d’aigreur que de science, attribuant la critique de Baur à une « intention basse » (niedrige Gesinnung) et n’y voyant autre chose qu’une « éruptipn de passion ignoble et de sauvagerie bestiale » (ein Ausbruch unedler Leidenschaften und viehischer Wildheit).
Ainsi se sont passées les dernières polémiques ; mais depuis lors on peut voir que la thèse de l’inauthenticité gagne du terrain tous les jours. La thèse contraire est-elle bien réellement défendue par l’irascible professeur de Gœttingue lorsque, pour parer aux