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sollicitant des concessions, réclamant des privilèges qui, pour avoir une valeur quelconque, devraient être exploités au plus tôt dans une cinquantaine d’années. Il ne devrait pourtant pas suffire que la Porte fût édifiée sur la solidité financière, des spéculateurs avec qui sont passés de tels contrats. Les ministres devraient s’assurer d’abord que les projets soumis à leur approbation présentent au moins quelques chances de rémunération immédiate, avant de permettre que les gens dont émanent tous ces plans appellent la souscription publique à commanditer des travaux dont la plupart du temps on ne peut espérer qu’à très long terme les premiers bénéfices. »

L’unification de la dette extérieure turque est une des mesures qui ont mérité à Fuad-Pacha les éloges de l’écrivain anglais. Il fait toucher au doigt les avantages qui doivent en résulter et raconte avec un certain luxe d’allusions transparentes à quelles difficultés le bon vouloir ministériel a dû se heurter, quelles menaçantes intrigues il a dû braver pour fermer ainsi d’un seul coup aux usuriers de Galata l’arène de leurs spéculations favorites.

Nous ne saurions donner ici une analyse complète d’un ouvrage où sont abordés successivement tous les problèmes économiques soulevés par la réforme des institutions et des traditions ottomanes. Il nous aura suffi d’indiquer sommairement en quoi ce nouvel ouvrage sur la Turquie diffère de ceux qui l’ont précédé. Dans plusieurs de ces derniers, on trouverait aisément plus d’aperçus historiques, une peinture plus achevée de l’état moral des populations, une description plus complète et plus animée du pays ; mais les esprits sérieux et pratiques dont la principale préoccupation est de connaître exactement la situation actuelle et l’avenir probable des différens états, considérés à la fois sous le rapport de leurs finances, de leur industrie, de leur commerce, en un mot de tout ce qui les rend aptes à jouer un rôle plus ou moins essentiel dans la grande communauté européenne, ces esprits-là trouveront une ample pâture dans l’ouvrage de M. Farley. Nous savons, à n’en pouvoir douter, qu’on en prépare la traduction française, et nous la signalons d’avance à qui de droit, autant vaut dire à tous ceux qui voudront se faire une idée juste des conditions matérielles où se meut aujourd’hui le « malade » condamné jadis par l’empereur Nicolas. On verra que sa guérison, si elle n’est pas tout à fait certaine, n’est pas non plus absolument désespérée.


V. DE MARS.