Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 63.djvu/1062

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

deux Memling que l’on nous montre aujourd’hui a assez d’importance et de beauté pour soutenir la comparaison avec les grands dyptiques de l’hôpital de Saint-Jean, par la grâce des intentions, par l’exquise précision du faire, l’autre pourrait, sans plus de désavantage, — et même avec une supériorité certaine sous le rapport de la conservation, — être rapproché des célèbres miniatures qui décorent la Châsse de sainte Ursule.

Une Vierge appartenant aussi à l’école de Bruges, et, comme la Vierge entourée de saintes, faisant partie de la collection de M. Gatteaux, nous semble, après les deux tableaux de Memling, le spécimen le plus intéressant du vieil art flamand à l’exposition rétrospective. Ce n’est pas que l’ordonnance pittoresque ait ici rien de particulier ni d’imprévu. Comme d’ordinaire, le centre de la scène est occupé par la Vierge assise et tenant l’enfant sur ses genoux, tandis que deux figures de saints et celle d’un donataire apparaissent à la droite et à la gauche du groupe ; mais la banalité de cette composition est bien rachetée par la finesse de dessin avec laquelle chaque partie est traitée, par la solidité surtout et l’harmonie des tons associés les uns aux autres, depuis le rouge sombre du manteau de Marie jusqu’aux teintes énergiques qui modèlent l’architecture et en déterminent l’effet. On ne saurait, à notre avis, reconnaître dans cette remarquable peinture ni le coloris limpide de Memling ni la rigoureuse véracité du pinceau de Van Eyck et ses insistances sans merci. Peut-être, s’il fallait proposer un nom, se croirait-on autorisé à prononcer celui d’un des plus habiles élèves de Van Eyck, Petrus Christus ou Christophsen, de qui Cologne et Francfort possèdent plusieurs ouvrages, et l’on attribuerait à cette petite Vierge au donataire la même origine qu’au tableau moins séduisant, mais non moins recommandable au fond par les caractères de la pratique, que M. le comte de La Ferronnays a envoyé au palais des Champs-Elysées.

Parmi les œuvres des quattro centisti florentins exposées en regard des tableaux flamands appartenant à la même époque, il faut au moins citer un petit sujet de sainteté en forme de frise ou de predella, peint par fra Angelico avec sa tendresse d’âme accoutumée et toute la chaste suavité de son style, — une Vierge avec l’Enfant et saint Jean-Baptiste, digne à tous égards du talent si original de Botticelli, — et deux Vierges à mi-corps, l’une, accompagnée de deux anges, due, selon toute apparence, au pinceau de Filippo Lippi, l’autre rappelant, par l’austère fermeté du sentiment et du faire la manière de Pollaiuolo, plus encore, à ce qu’il semble, que celle de Ghirlandaio. Un portrait d’homme en buste dans lequel plusieurs bons juges hésitent à reconnaître une œuvre d’Antonello de Messine, mais dont personne assurément ne contestera le rare mérite, — deux jolies figures, saint Michel et sainte Apolline, au bas desquelles on lit le nom de Mantegna et qu’il serait plus exact peut-être de supposer peintes par l’élève du maître, Niccolo Pizzolo, — un Christ mort, d’Ambrogio Borgognone bien