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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 juin 1866.

La tentative et l’illusion d’une conférence ont abouti à l’avortement que l’on sait. Nous ne nous repentons point de nous être attachés, tant que les apparences l’ont permis, à cette dernière espérance pacifique. Une telle déception n’a pu réjouir que ces belliqueux platoniques, gens de plume pourtant et point d’épée, qui remettent aujourd’hui à la guerre, avec une légèreté de cœur merveilleuse, la décision de questions que d’autres eussent voulu maintenir dans la compétence de la raison et des sentimens humains. L’expédient de la conférence avait été bien tardivement proposé. Il n’y a eu que deux momens où la guerre eût pu être efficacement prévenue par une politique vigilante et prudente : c’est le moment où la Prusse et l’Autriche firent mine de renier le traité de 1852 et de vouloir enlever les duchés de l’Elbe au Danemark, et c’est le moment plus récent où des accords ont été négociés entre la Prusse et l’Italie. C’est sur la conduite tenue à ces deux époques décisives de la crise que l’histoire devra juger la sincérité, l’habileté ou la puissance de la politique qui aura laissé éclater ou n’aura point su prévenir la guerre. En liant ses mesures avec l’Angleterre au commencement de 1844, on eût certainement empêché l’Autriche et la Prusse de saisir les duchés, qui sont devenus entre elles la cause d’une lutte menaçante ; on eût pu concilier les droits du Danemark avec ceux de la confédération germanique. Cette grande occasion fut, comme on sait, systématiquement négligée. Une autre circonstance s’est pourtant offerte encore cette année de détourner la guerre. La cause de la guerre, personne ne le contestera, est l’alliance de la Prusse et de l’Italie. La Prusse n’eût certes point osé provoquer l’Autriche, comme elle l’a fait, dans la question des duchés, si elle n’eût point cru pouvoir compter sur le concours de l’Italie et, par l’Italie indirectement, sur une certaine indulgence de la France ; l’Italie n’eût point songé à réclamer la Vénétie par les armes,