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prince de Hardenberg appelaient de ce nom vis-à-vis de la France en 1815. Selon eux, la défensive pour l’Allemagne, c’était de prendre à la France la Lorraine et l’Alsace. Les situations sont différentes, la pensée est la même. L’Autriche a besoin, pour se défendre en Italie, de ses positions avancées sur le Pô, de même qu’il y a quelques années elle avait besoin pour sa défense d’étendre son influence sur tous les états italiens, d’enfermer la péninsule tout entière dans le cercle de sa domination, dans ce cercle qui n’a été brisé que par la guerre de 1859.

C’est la logique de l’esprit de domination. Si l’Autriche eût suivi la logique de ses intérêts véritables, elle aurait vu d’un coup d’œil sûr et plus tôt qu’elle se débattait contre des impossibilités en Italie ; elle aurait tranché de haut la difficulté, pour son plus grand avantage et pour l’avantage du continent délivré d’un grand trouble, car enfin à quoi lui sert de maintenir une situation qu’elle appelle la défensive, que l’Italie appelle, non sans raison, une offensive permanente, et qui conduit à une guerre nouvelle en enflammant tous les instincts d’indépendance de la nation italienne ? D’un côté, Venise n’est pas assurément pour elle un surcroît de puissance. Elle a ruiné ces provinces dont la possession disputée est pour elle une neutralisation de force, l’embarras perpétuel de son action en Europe. Depuis six ans surtout, sa politique est à la merci d’une garantie qu’elle ne trouve pas pour ses possessions italiennes. Aujourd’hui encore n’est-ce pas sa faiblesse vis-à-vis de la Prusse ? Et d’un autre côté quels résultats peut-elle obtenir même par une guerre heureuse ? Soit, elle est victorieuse ; la Lombardie elle-même n’est pas couverte. Elle va à Milan comme à Florence, à Naples comme à Modène et à Bologne. Et après ? Il ne suffit pas d’aller partout, il faut y rester sous peine d’être suivi dans sa retraite de tout le reflux des passions nationales. Si elle reste au contraire dans ses frontières après une victoire, où sera la sécurité pour les uns et pour les autres ? C’est le sentiment de cette situation, de toutes ces menaces, qui a poussé et devait pousser l’Italie à une revendication suprême et définitive.

Cette crise qui éclate aujourd’hui, elle est née, au point de vue militaire, diplomatique, national, de cette situation respective toujours tendue de l’Autriche et de l’Italie. On pourrait ajouter qu’elle a été mûrie, précipitée par des circonstances dont l’une n’est pas sans gravité pour la France. Je m’explique. Qu’on interroge de près cette histoire tourbillonnante de l’Italie depuis six ans : il y a un fait clair, saisissant, c’est qu’en dehors de toute préméditation l’unité italienne a été la suite invincible de la paix de Villafranca. Dès que l’Autriche restait au-delà des Alpes, les Italiens étaient