Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 63.djvu/1020

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’on pourrait appeler le groupe isthmique et insulaire ou calabro-sicilien. J’omets quelques concessions secondaires. Pour l’Italie, la première nécessité était d’aller vite, et pour aller vite il fallait évidemment venir en aide à cette grande improvisation de viabilité par des subventions, par des garanties d’intérêt. L’Italie a dépensé considérablement : plus de 400 millions ont été inscrits pour les travaux publics dans ses budgets depuis cinq ans. Ces chemins de fer, j’en conviens, sont de médiocres affaires, quelques-uns produisent 6,000 francs par kilomètre et d’autres moins. Les intérêts ne sont point encore assez développés pour alimenter ce grand système. L’état reste sous le poids d’un fardeau de garanties ; mais l’Italie a gagné en quelques années 4,000 kilomètres de chemins de fer, elle en aura bientôt 8,000. On va aujourd’hui sans interruption du pied des Alpes à l’extrémité de la péninsule, à Bari, à Barletta et à Brindisi, de Turin et de Gênes à Bologne et à Florence, de Florence à Pérouse, de Rome à Naples et à Ancône. L’Italie a dépensé beaucoup, et pas assez encore cependant, puisque, si elle avait dépensé un peu plus, elle disposerait aujourd’hui de la ligne de la Spezzia, au centre des opérations militaires, à Parme, et qu’elle ne serait point exposée, faute du chemin de la Ligurie, à voir ses communications de Gênes et de Turin à Florence coupées par une invasion ennemie sur la ligne du Parmesan et du Moénois. Ici comme dans l’organisation de l’armée la pensée politique a primé les considérations financières. Et, somme toute, pour créer toutes ces choses qui constituent l’avènement d’une nationalité nouvelle, qui en sont la garantie, quelles charges a donc assumées l’Italie ? Je n’ai point le dessein de les diminuer, de jeter le voile sur les embarras et les malaises dont elles sont la source. En définitive cependant l’Italie a reçu du passé un héritage de près de 2 milliards de dette ; elle doit aujourd’hui un peu plus de 4 milliards. Deux milliards pour créer un peuple et pour développer des œuvres qui sont dès ce moment un stimulant de travail et de richesse, il n’y a là évidemment rien qui ressemble à une profusion stérile conduisant à l’inévitable banqueroute.

Ce ne sont pas là au surplus les difficultés les plus sérieuses et les plus caractéristiques, justement parce qu’elles sont les plus grosses, parce qu’elles sautent aux yeux, parce que s’il y a faute, c’est une faute volontaire, préméditée. Celles qui sont les plus dangereuses peut-être sont les difficultés intimes, souvent difficiles à saisir, tenant à une multitude d’abus qui naissent soit d’un excès de bureaucratie, soit d’une certaine indolence dans le maniement des affaires, soit même de la fraude, et qui, en s’accumulant, finissent par devenir l’épreuve d’un système politique. En d’autres