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l’Italie, a eu certainement tort de gonfler ses dépenses militaires comme elle l’a fait et de surcharger ainsi ses finances naissantes. — Qu’avait-elle besoin d’avoir une armée puissante qui dévorait le plus clair de ses ressources sans être assez forte contre l’ennemi extérieur ? Une bonne maréchaussée suffisait pour garder l’ordre intérieur, laissant ses budgets allégés d’un poids que peut porter à peine une puissance de premier rang. — L’Italie a pensé, quant à elle, que les obligations grandissaient avec la fortune, qu’un peuple de 22 millions d’âmes qui avait encore des revendications nationales à exercer se devait à lui-même d’être le premier gardien de son indépendance et de ne pas tout attendre d’un secours étranger. Pour l’Italie, l’armée d’ailleurs n’était pas seulement une force matérielle : aucun pouvoir moins que le gouvernement italien ne s’est servi de la force militaire comme moyen de répression intérieure, sauf dans les provinces infestées par le brigandage. L’armée était avant tout un puissant instrument moral d’unification. C’était une école de nationalité. Le soldat sorti du fond des Calabres ou de la Sicile et allant passer quelques années, à Milan ou à Turin, dans une ville de la Lombardie ou de la Toscane, revenait dans son foyer avec l’idée de l’étendue de la patrie et souvent sachant lire. C’était un Italien de plus propageant autour de lui sans le savoir le sentiment national. A côté de l’armée régulière, la mobilisation de la garde nationale elle-même a servi plus d’une fois à la réalisation de cette pensée de fusion. Dans les premiers temps surtout, le gouvernement envoyait les Lombards ou les Piémontais à Naples, les Napolitains dans le nord. Ajoutez à cela la création d’une flotte réunissant les marins de toutes les côtes de la péninsule et allant porter pour la première fois sur les mers le drapeau italien. On ne fait pas de telles choses pour rien. En réalité, l’Italie a dépensé jusqu’en 1865 à peu près 1 milliard 200 millions pour son armée, pour son organisation militaire, plus de 300 millions pour sa marine. Et voilà justement une des sources du trouble financier, de ces malaises qui se traduisent pour le crédit en défaillances soudaines. L’effet moral a-t-il été tel qu’on l’attendait ? Ce qui est certain, c’est qu’au commencement les réfractaires étaient assez nombreux et qu’aujourd’hui il n’y en a plus, même dans les provinces les moins accoutumées au service militaire ; dans les derniers appels, le nombre des absens a été imperceptible. Ce qui est certain encore, c’est que dans une discussion des plus sérieuses et des plus passionnées, le général La Marmora disait un jour avec une autorité particulière que la fusion était mieux faite dans l’armée que dans le parlement. Toute la question est de savoir si ces chiffres, qui représentent une impossibilité momentanée d’équilibre dans le budget, ne