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L’ÉPREUVE
DE
L’UNITÉ ITALIENNE

L’Europe retentit de nouveau du bruit des armes. Cette crise qui éclate aujourd’hui, qu’on s’est efforcé au dernier moment de détourner ou de suspendre, cette crise n’a certes rien d’imprévu ; depuis des années, nous la voyons se former comme un lourd et menaçant orage auquel le fatalisme des sages n’a su opposer que de vaines conjurations ; depuis cinq mois surtout, nous la voyons grandir, se préciser, s’étendre en se compliquant, s’arrêter ou se précipiter presque comme en 1859. Seulement la face des choses a changé singulièrement depuis 1859. Alors tout était simple et net ; la guerre qui s’avançait à grands pas avait son programme, et ce programme, sonnant comme une fanfare, se résumait dans un mot, l’affranchissement d’un peuple, la création d’une indépendance nationale « entre les Alpes et l’Adriatique. » Cette entreprise même, on s’appliquait à la circonscrire, à la simplifier, en la réduisant tout d’abord à un duel entre le Piémont secouru par la France et la domination étrangère. Le but était clair, les camps étaient tranchés, le champ de bataille était encore une fois cette grasse Lombardie où la fécondité de la nature semble défier la meurtrière fureur des hommes.

Aujourd’hui c’est l’Italie encore sans doute et en même temps c’est l’Allemagne, c’est l’Europe tout entière atteinte dans sa constitution et sa sécurité, c’est cette multitude de questions accumulées, aigries, qui se succèdent, se heurtent ou s’enchevêtrent vio-