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d’espérance, » et tout le monde cherchait à obéir à l’apôtre. M. Le Blant fait remarquer que les païens parlent toujours de ténèbres éternelles et profondes comme de la demeure de ceux qui ne sont plus. « Ne me dis pas de mauvaises paroles ; des ténèbres où je suis, je ne puis pas te répondre. — Qui donc du séjour de la vie a pu te plonger ainsi dans les ténèbres ? » Au contraire, sur les tombes chrétiennes, les morts disent toujours qu’ils sont dans un lieu de rafraîchissement, de lumière et de paix, in loco refrigerii, luminis et pacis. C’est à l’anniversaire de leur mort qu’on fête les martyrs, et par un touchant abus d’expression, cet anniversaire s’appelle leur jour de naissance, natalis. Ces sentimens ne sont pas seulement ceux des saints personnages, on les retrouve à peu près sur tous les tombeaux. Une pauvre femme de Lyon déclare qu’elle est bien heureuse de rendre son âme au Seigneur. « Magus, dit une mère chrétienne sur une pierre des catacombes, innocent enfant, te voilà. maintenant parmi les innocens. Comme ta vie va devenir calme et sûre ! Étouffons les gémissemens de nos cœurs ! Arrêtons les larmes de nos yeux ! »


Voilà certainement de bien grandes différences entre les inscriptions chrétiennes et les autres ; M. Le Blant a bien fait de les signaler. Pour être juste et ne rien omettre, après avoir dit en quoi elles diffèrent, il est bon de faire voir comment il leur arrive parfois de se ressembler. Ces ressemblances, qui surprennent et qui sont plus nombreuses qu’on ne le croit, tiennent à deux causes différentes. D’abord il faut bien avouer qu’on retrouve sur les marbres antiques et bien avant la naissance du Christ l’expression de certains sentimens chrétiens. M. Le Blant a rappelé lui-même la curieuse épitaphe d’un marchand de Rome que l’on qualifie d’homme bon, miséricordieux, qui aime les pauvres, et ce n’est pas la seule dans laquelle on loue la charité du défunt et l’amour qu’il avait pour tous les hommes. Aussi suis-je fort étonné qu’après les avoir citées il persiste à croire que les formules de ce genre qu’on trouve dans Sénèque ne peuvent lui venir que de ses rapports avec saint Paul. Cette tradition ne mérite guère d’être discutée, et j’avoue que les raisons pour lesquelles M. Le Blant persiste à y ajouter foi, malgré tant de motifs qu’on a de la rejeter, ne me semblent pas très graves. Sans doute Sénèque a parlé comme les inscriptions chrétiennes quand il a dit que l’homme n’est que l’hôte du corps, et un hôte qui n’y doit pas faire un long séjour : Non domum esse hoc corpus, sed hospitium, et quidem breve hospitium. Est-ce de saint Paul que ces mots et ces idées lui viennent ? Non, car Cicéron a dit à peu près dans les mêmes termes : Ex vita ita discedo