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d’après le dernier recensement la population s’élevait à 37,382,225, on trouve une moyenne de 10,7 enfans par 100 habitans, une école publique par 712 habitans, une école quelconque par 549 habitans.

La dépense complète pour l’enseignement primaire montait à 58,646,952 francs, dont 25,316,593 francs ont été payés par les communes, 5,203,036 francs par l’état, et 4,905,814 francs par les départemens ; le reste a été couvert par les revenus des fondations et la rétribution des élèves. Comme l’état avait accordé environ 1,200,000 fr. de subsides pour construction de bâtimens d’école, le sacrifice total imposé au budget montait à 6,464,029 fr. 70 c. En additionnant tout ce qu’ont payé les pouvoirs publics, état, départemens, communes, on arrive à la somme de 38,042,363 fr., ou environ 1 fr. par tête. Aux États-Unis, même dans les contrées nouvellement colonisées, la dépense monte à 5 fr. par tête, dont la plus grande partie est demandée à l’impôt direct. Le Canada ne recule pas devant une charge de 3 fr. 50 c. par tête malgré la rareté du capital et les désavantages d’un climat hyperboréen. Comment la France, avec son sol si riche, son beau ciel, ses capitaux si abondans et son budget de 2 milliards, ne pourrait-elle payer autant pour instruire ses enfans que son ancienne colonie ?

Au premier abord, le chiffre des élèves fréquentant l’école paraît assez satisfaisant : l’enquête de 1863 a montré que parmi les enfans de 7 à 13 ans, au nombre de 4 millions environ, il n’y en avait guère que 700,000 qui n’avaient reçu aucun genre d’instruction, ce qui fait à peu près 1 sur 4 1/2 ; mais lorsqu’on examine les choses de plus près, on trouve les résultats moins favorables. En effet, un tiers des élèves ne suivent la classe que pendant quelques mois à peine, 48 pour 100 seulement la fréquentent régulièrement pendant toute l’année. Quant au degré d’instruction acquise, il correspond à l’assiduité de la fréquentation. Les deux cinquièmes des enfans quittent l’école ayant si peu appris qu’ils auront bientôt tout oublié ; trois cinquièmes à peine profitent de l’enseignement, et encore le tableau de l’instruction des miliciens et des conjoints prouve qu’il faut même rabattre de ce chiffre. En 1862, un tiers des conscrits ne savaient ni lire ni écrire. Sur 100 hommes contractant mariage, 28 ne savaient pas même signer leur nom, et sur 100 femmes il y en avait 43 qui étaient complètement illettrées. Si l’on tient compte de ce fait que beaucoup de personnes de la classe laborieuse savent seulement tracer péniblement leur nom, on peut en conclure que presque la moitié de la population est plongée dans l’ignorance, c’est-à-dire qu’elle ne sait point assez lire et écrire pour que cela lui soit de quelque utilité.

Et ce n’est pas tout. Quelque affligeant que soit ce chiffre, comme