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moderne de qui émanent tous les pouvoirs, c’est-à-dire du peuple, et il est rémunéré, on rougit de le dire, peut-être un peu plus qu’un valet de pied, mais bien moins qu’un cocher de bonne maison, qui est en outre entretenu par son maître. Et pourtant ces pauvres instituteurs forment un corps qui n’est pas sans lumières et dont le dévouement est souvent admirable, comme on a pu le constater en des circonstances récentes. En réponse à une question posée par le ministre de l’instruction publique au sujet des moyens d’améliorer l’enseignement primaire, six mille mémoires ont été envoyés, dont douze cent sept étaient vraiment remarquables. En peu d’années, on a vu s’ouvrir un nombre rapidement croissant de cours d’adultes. Au 1er février de cette année, il y en avait 24,065, mouvement magnifique, qui prouve et le besoin d’instruction chez le peuple et un zèle bien méritoire chez les maîtres. Le soir, après une fatigante journée, après cinq ou six heures de leçon, — rude et ingrate besogne, — quand ils pourraient enfin goûter quelque repos, ils recommencent leur dur labeur, ils enseignent les élémens à des hommes faits, gratuitement, sans rémunération aucune ; parfois même ces maîtres, qui ont tout au plus le nécessaire, fournissent encore la lampe qui éclaire la classe et la bûche qui la chauffe. Cette levée en masse des instituteurs français pour chasser l’ignorance qui les environne peut se comparer à l’entraînement des instituteurs américains entrant en foule dans l’armée fédérale qui combattait l’esclavage. Pour récompenser ce zèle accompagné de si lourds sacrifices, sait-on de quelle somme le ministre de l’instruction publique peut disposer ? Pour 25,000 instituteurs, il a 50,000 francs, juste quarante sous pour chacun d’eux !

Au 1er janvier 1864, on comptait dans les 37,510 communes 52,435 écoles primaires publiques, dont 20,703 pour les garçons, 17,683 mixtes, et 14,059 pour les filles seules. 818 communes étaient encore dépourvues de toute école, et 8,198 communes l’étaient d’écoles spéciales pour les filles. C’est une immense lacune ; aussi le ministre de l’instruction publique annonce-t-il qu’une loi sera présentée au corps législatif pour la combler. De ces écoles communales, 11,099 sont dirigées par des congréganistes, ce qui fait presque une sur cinq. Sur le nombre total des écoles, 18,427 sont jugées bonnes par les inspecteurs, 34,020 laissent à désirer. Les deux tiers environ exigent donc des réformes et des améliorations. Les écoles publiques sont fréquentées plus ou moins régulièrement par 3,413,830 enfans, dont 2,053,674 garçons et 1,360,156 filles. A côté des écoles publiques, 16,316 écoles libres sont ouvertes, dont 13,208 pour les filles et 3,108 pour les garçons. Le nombre total des écoles est donc de 68,761 avec 4,336,368 élèves. Comme