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l’enseignement primaire gratuit comme aux États-Unis, obligatoire comme en Suisse et en Allemagne. Les subsides de l’état furent immédiatement doublés. En 1847, ils s’élevaient à 2,399,808 francs ; en 1848, ils furent portés à 5,920,000 francs. Pour l’avenir, afin d’augmenter les traitemens des instituteurs et de remplacer les rétributions scolaires supprimées par la gratuité, la part contributive de l’état devait être portée à plus de 47 millions, chiffre bien honorable pour celui qui osa le proposer, chiffre encore très modeste eu égard à l’immense intérêt qui est en cause. Le projet de M. Carnot ne fut point voté. La réaction triompha, et la loi du 15 mars 1850, présentée par M. de Falloux, fut adoptée. Cette loi est conçue dans un esprit de défiance contre l’instituteur et d’hostilité contre l’enseignement laïque. C’étaient les congréganistes, les frères et les sœurs qui devaient sauver la société en répandant les bonnes doctrines dans le peuple. Un décret organique de 1852 et une loi de 1854 vinrent modifier encore la loi de 1833 et constituer le régime actuel, dont voici les traits principaux. La direction de l’enseignement a été enlevée aux autorités locales et électives pour être remise à des autorités dépendantes du gouvernement. C’est le préfet, le représentant direct du pouvoir exécutif, qui nomme l’instituteur, qui peut le réprimander, le suspendre, le destituer, qui en un mot le tient à sa merci dans ses mains fermes et irresponsables. La surveillance de l’école est exercée par le curé, souvent hostile, et par le maire, nommé, comme le préfet, par le pouvoir exécutif. Pour l’inspection, il y a d’abord les inspecteurs primaires au nombre de 299, et au-dessus d’eux les inspecteurs d’académie au nombre de 89, enfin les inspecteurs généraux au nombre de 4. Les anciens comités sont remplacés par les délégués cantonaux, que désigne la commission départementale, et par cette commission elle-même, dont les 13 membres sont nommés par le ministre, sauf le préfet, le procureur-général, l’évêque et un autre ecclésiastique, qui en font partie de droit. La commission départementale se réunit deux fois par mois ; elle nomme le jury chargé de conférer les certificats de capacité, elle fixe le taux des rétributions scolaires, elle édicté les règlemens généraux et juge les instituteurs en matière disciplinaire. Au sommet de la hiérarchie siège le conseil impérial de l’instruction publique, corps1 consultatif dont le ministre prend l’avis pour toutes les mesures concernant son département. En ce qui touche le règlement de la part contributive de la commune, du département et de l’état dans les dépenses, le système de la loi de 1833 a été maintenu.

Telle est dans son ensemble l’organisation actuelle de l’enseignement primaire en France. Voyons maintenant ce qu’elle présente de bon et jugeons-la surtout par les résultats qu’elle a produits.