« Oh ! j’aime ce pays où le blé et la vigne semblent se presser de croître pour servir au plus sacré des mystères, ce pays si doux à l’âme, si enchanteur aux yeux, qu’il me semble qu’en mourant on pourrait à peine se dire : « Je vais voir bien mieux que l’Italie ! »
La relation du voyage de Naples à Odessa en passant par Smyrne et Constantinople, celle du retour en Italie par la Pologne et l’Autriche, occupent dans ce volume une étendue considérable. Ces deux relations contiennent plusieurs descriptions agréables, mais qui étaient peut-être plus neuves à l’époque où elles ont été écrites qu’à l’heure présente, où les bateaux à vapeur et les chemins de fer ont mis les merveilles de Constantinople à la portée de tout bourgeois curieux. Ce qu’il y faut chercher plutôt, c’est une foule de traits heureux jetés en courant et de détails qui peignent. Deux passages du journal d’Alexandrine méritent cependant d’être cités. L’un se rapporte à son séjour à Constantinople, et nous raconte le commencement d’une toute gracieuse aventure qui n’eut pas de lendemain :
« Vendredi, 5 juin. — Aujourd’hui vendredi, qui est le dimanche des musulmans, nous nous sommes mis en marche vers onze heures, pour aller voir le sultan se rendre à une mosquée. Nous étions près de son charmant palais en Asie, lorsque nous l’avons vu sortir, et nous l’avons suivi de loin. Les canons placés sur le rivage ont tiré. Les vaisseaux ont salué. Le Bosphore était plus beau que jamais. Le palais est grand, riant, doré, et on entrevoit, au-delà, des jardins délicieux. Nous avons entendu de la musique au moment où le sultan en sortait, et, à son retour de la mosquée, nous nous sommes trouvés assez près pour respirer l’odeur des pastilles du sérail qu’on brûlait devant lui. Trois chevaux avec des selles brodées de perles, d’émeraudes et de rubis attendaient dans la cour. Le sultan en a monté un. Il a une belle figure, grave, sombre et remarquable malgré l’affreux fez rouge dont il était coiffé. Nous l’avons regardé passer, puis nous nous sommes remis dans notre barque pour nous rendre aux Eaux-Douces d’Asie, où nous nous sommes trouvés sous des arbres magnifiques, entourés de la plus belle verdure, et environnés de gens revêtus de toute sorte de costumes, se promenant, s’amusant, et avalant une foule de rafraîchissemens dont nous avons pris notre part. Je vois de loin une jeune Turque assise sur des coussins avec d’autres femmes. Je m’approche d’elle, elle me fait asseoir avec une grâce amicale. Mon interprète m’aide un peu, puis il s’éloigne avec Albert. Elle baisse alors la partie inférieure de son voile pour me laisser voir en entier la plus charmante figure du monde ; elle a dix-huit ans. Elle me montre aussi ses habillemens et regarde les miens avec curiosité. La finesse de ma taille a l’air de la surprendre (ces dames n’en ont aucune), un châle de cachemire est serré autour de la sienne. Un peu après, elle appelle M. Pétracké (mon drogman), et, avec beaucoup d’empressement et de grâce, elle lui dit qu’elle m’invite à aller