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ministre protestant de Genève, traducteur de Spallanzani, et lui-même naturaliste distingué de cette grande école de Genève qui a produit les Réaumur, les Trembley, les Bonnet, les de Saussure, les de Candolle et tant d’autres hommes supérieurs ; les Fragmens de Lesage, de Genève[1], personnage original, doué d’un esprit méditatif et profond, connu surtout comme l’auteur d’une hypothèse sur la cause mécanique de la gravitation ; enfin le Discours sur l’étude de la philosophie naturelle, de W. Herschell, fils de l’illustre astronome, et lui-même savant distingué, ouvrage qui est en quelque sorte une édition nouvelle du Novum organum, accommodé à l’état de nos connaissances et renouvelé par des exemples plus récens. Je ne cite d’ailleurs que les traités de méthodologie composés par les savans, car si je voulais parler des philosophes, cette énumération serait interminable. L’Angleterre et l’Écosse en particulier, même de nos jours, se sont signalées dans ces recherches. Dugald Stewart dans ses Elémens de la philosophie de l’esprit humain, M. le docteur Whewell dans son Histoire des sciences inductives, M. Mill dans sa Logique, beaucoup d’autres moins connus ont traite des méthodes avec une abondance de vues et de faits qui ne laisse rien à désirer ; mais nous tenons surtout à indiquer la tradition logique parmi les savans et non parmi les philosophes.

De nos jours et parmi nous, les plus illustres savans ont continué à suivre cette tradition, soit dans quelques parties de leurs œuvres, soit dans des traités spéciaux. Pour les méthodes mathématiques par exemple, on lira avec un grand intérêt la préface de M. Chasles à son Traité de géométrie supérieure, on consultera surtout un profond et éminent travail de M. Duhamel sur la Méthode dans les sciences de raisonnement, œuvre d’un esprit serré et philosophique auquel je ne reprocherai qu’une chose : c’est de trop dédaigner les philosophes, car il pourrait retrouver parmi eux beaucoup de ses propres idées. Pour les sciences naturelles et zoologiques, je rappellerai la préface du Règne animal, de George Cuvier, et la Philosophie zoologique, de Geoffroy Saint-Hilaire, dans laquelle ce grand savant défend contre son illustre rival sa méthode de comparaison analogique. En chimie, sans remonter jusqu’à Lavoisier, dont la préface si souvent citée rend hommage à l’influence heureuse de la logique de Condillac sur son esprit, on trouvera encore chez les chimistes de nos jours de remarquables travaux de méthodologie scientifique. M. Chevreul, par exemple, a consacré un ouvrage à la question de la méthode ; M. Dumas, dans sa Philosophie chimique, a jeté çà et là sur ce sujet quelques vues précises et pénétrantes ;

  1. Publiés à la suite des Essais de philosophie de Prévost de Genève. Voir aussi Notice de la vie et des écrits de Lesage, par Pierre Prévost ; Genève 1805.