Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 62.djvu/912

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA
METHODE EXPERIMENTALE
DE LA PHYSIOLOGIE

Introduction à la Médecine expérimentale, par M. Claude Bernard ; Paris 1805.

La civilisation, comme tout ce qui est humain, a dû passer successivement par deux états différens : elle a été d’abord instinctive et spontanée, puis réfléchie et raisonnée. Les hommes ont commencé par améliorer leur situation sur la terre, soit par un instinct plus ou moins semblable à celui des animaux, soit par une sorte de tâtonnement empirique, se développant au jour le jour, en raison des circonstances et des besoins : c’est ainsi que se formèrent les premières industries et les premières sociétés ; puis un premier degré de réflexion survint. La religion, la philosophie, la poésie, contribuèrent à perfectionner les mœurs et les lois, mais toujours d’une manière spontanée, sans que l’on s’aperçût encore que l’homme peut par la science se rendre maître de la nature et de la société elle-même, et donner à ses progrès une direction choisie et voulue. Cette grande idée, l’idée de la civilisation par la science, ne date guère que du XVIe siècle ; elle a eu pour principal organe l’illustre Bacon, dont elle est la gloire. Bacon l’a résumée dans cet aphorisme célèbre : homo minister et interpres naturœ ; quantum scit, tantum potest ; il semble avoir prévu avec une perspicacité merveilleuse la société moderne, la nature vaincue par la science,