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présentes sous une forme évhémériste : « ceux qui peuvent s’abreuver de cette lumière divine quittent le corps pour entrer dans la vision bien-heureuse, comme nos ancêtres Ouranos et Kronos ; puissions-nous leur ressembler, ô mon père ! » On voit par les livres sibyllins que les Juifs et les chrétiens adoptaient le système d’Évhémère et regardaient les dieux du polythéisme comme des hommes divinisés, mais ils condamnaient cette apothéose comme une superstition. Les païens au contraire y croyaient, et s’ils admettaient que la plupart des dieux avaient été des hommes, ils ajoutaient que leurs bienfaits les avaient élevés à la divinité. Quand Hermès parle de ses ancêtres Ouranos et Kronos, il croit à leur apothéose ; c’est donc là un évhémérisme païen et non chrétien ou juif comme celui des livres sibyllins. Quelquefois il appelle le ciel l’Olympe ; ailleurs, il emprunte au stoïcisme cette fière pensée : « l’homme est un dieu mortel ; » mais après avoir constaté ces signes caractéristiques de l’influence grecque, il faut ajouter que la doctrine est restée la même dans son ensemble, et même que cette doctrine est plutôt celle d’une époque que celle d’une école. On la retrouve, sauf quelques traits particuliers, dans Plotin et ses successeurs, dans Apulée, dans Macrobe et même dans Origène et d’autres docteurs de l’église. Il y a ainsi à chaque siècle une somme d’idées communes à toutes les sectes même rivales et ennemies, et cela était surtout vrai à cette époque où l’unité politique favorisait la tendance universelle des esprits vers l’unité religieuse.


III

Je ne m’arrêterai pas sur chacun des fragmens adressés à Tat, à Asclèpios, à Ammon ; ils n’ajoutent rien de nouveau aux doctrines contenues dans les ouvrages plus étendus et plus complets dont il a été question. Ce sont des analyses psychologiques, des études métaphysiques assez obscures, des théories sur Dieu, sur l’âme, sur le monde. Parmi ces fragmens, plusieurs sont réunis sous le titre de Définitions, titre que rien ne justifie, et sont écrits sous le nom d’Asclèpios, disciple d’Hermès. L’auteur se plaint que les Grecs aient traduit les livres de son maître dans leur langue ; il maltraite beaucoup la philosophie grecque, qu’il appelle un vain bruit de paroles. C’est peut-être une ruse de faussaire pour faire croire que son ouvrage est un monument égyptien authentique. La forme est moderne, et il y a une allusion à l’usage grec des courses de chars. Le soleil est comparé à un cocher, image empruntée à la mythologie grecque, car en Égypte le soleil était porté sur une barque. Cependant l’importance attribuée au soleil dans l’œuvre de